André Fortino / Hôtel Formes Sauvages
Pour sa première exposition en Amérique, l’artiste français André Fortino présentera le triptyque vidéo Hôtel Formes Sauvages (2009-2015), une œuvre qu’il a mis 5 ans à compléter. En plus de ce projet, Fortino réinterprétera une performance qu’il a développée en collaboration avec la chorégraphe Katharina Christl (Le Corps des formes live). Dans le triptyque vidéo et la performance, le langage de la danse et celui des arts visuels se croisent afin d’explorer de nouveaux modes d’écriture du geste.
Transformant la vidéo Hôtel Dieu (2009) en une partition employée afin de créer les deux autres volets, Les Paradis sauvages (2012) et Le Corps des formes (2015), Fortino exploite le statut ambigu du film et son rapport conflictuel au réel et à la mémoire. L’œuvre filmée, réalisée dans l’après-coup de la performance, devient en quelque sorte un document à rejouer, non plus fidèle à sa source mais porteur de multiples interprétations visant à en épuiser les potentialités.
Improvisée, Hôtel Dieu montre un personnage masqué explorant un site désaffecté, chaque pièces et objets croisés sur son passage appelant furieusement une réponse énergique et très physique. C’est en se concentrant dans un deuxième temps sur l’œuvre vidéo que Fortino a vu apparaître les correspondances entre l’environnement abandonné et les gestes spontanés qu’il a suscités, une articulation restée pour lui invisible alors qu’il ne réagissait qu’instinctivement aux lieux. Une forme d’écriture s’est alors dévoilée, ce qui lui a donné l’idée de travailler avec le vidéaste Hadrien Bels à la reprise de chacun des mouvements initiaux, traités comme des objets autonomes de leur contexte de départ, afin de les confronter à de nouveaux paysages, plus cinématographiques. En troisième lieu, Fortino a proposé à Christl, danseuse et chorégraphe, de composer à partir de la vidéo originale une chorégraphie qu’il a d’abord performé devant public avant d’en faire le dernier élément du triptyque. Plutôt que de s’inspirer des gestes et du personnage masqué mis en scène dans Hôtel Dieu, Christl s’est intéressée aux déplacements des objets et du mobilier opérés dans l’espace, mettant davantage l’accent sur les trajectoires, et transformant du même coup Fortino lui-même en un objet. Avec ce projet, l’artiste, qui n’a pas de formation de danseur, a dû se confronter à un autre mode de travail, exigeant de lui un effort de mémorisation, de gestion de sa respiration et de son énergie pour pouvoir maintenir jusqu’au bout l’intensité de sa performance, consistant en l’incarnation des idées d’une tierce personne.
Roy Meuwissen / LAT. 17°33′13″N LONG. 99°24′37″W
L’actualité et les différents langages artistiques qui la relatent, articulent ” LAT. 17°33′13″N LONG. 99°24′37″W “, une proposition de Roy Meuwissen. Se basant sur deux manifestations d’étudiants au Mexique qui tournent au tragique en 1968 et 2014, l’artiste superpose ces événements à des anecdotes historiques pour livrer un compte-rendu froid et incisif sur les politiques de baîllon des plus jeunes, un écho direct au Printemps Érable. Première anecdote directement en lien à l’histoire de l’art et à ces tragédies, est la résidence à Mexico dans les années 1968 de l’artiste On Kawara et la réalisation en ces lieux de certaines de ses Date paintings, œuvre éphéméride légendaires. Cette circonstance l’autorise à s’approprier les standards artistiques des Dates paintings, dont il adopte le format noir et rectangulaire, ainsi que la froideur et le détachement conceptuel. Lien intrinsèque à l’actualité et titulaire de l’immunité artistique, chacune des peintures de Kawara est emballée de coupures de journal du jour de leur réalisation, et, à ce titre, représente un document d’archives à part entière, rescapée de la censure imposée par l’état.
La deuxième anecdote est la tenue cette même année des jeux olympiques de Mexico dont la signature visuelle de Lance Wyman deviendra le symbole de cet événement sportif, qui lui inversement tend à mettre la jeunesse sur un piedestal. L’artiste superpose la fonte iconique aux répliques des tableaux noirs de Kawara, inscrivant l’un après l’autre sur chacun, les noms des étudiants, tels des épitaphes. Une seule peinture rouge de même facture est mise en exergue de la salle principale, et porte le nom de l’étudiant découvert et identifié. La coïncidence de l’exposition avec la date anniversaire du funeste événement, le 26 septembre 2014 à Iguala (Mexique), ajoute une dimension circonstancielle accablante.
Autre travail de ré-appropriation présentée ici par Meuwissen est celui des photographies conceptuelles Possesion (1976) de l’artiste britannique Victor Burgin dont il réinvente une partie du contenu. La question et la réponse que propose Burgin – « What does possession mean to you? 7% of the population own 84% of our wealth » – pointent le déséquilibre social entre riche et pauvre et, par le choix de l’image, les pouvoirs d’influence, de séduction, de manipulation. Substituant celle-ci par un cliché mythique d’un couple en position de coït malgré l’encerclement de policier lors des mouvements de protestation populaires durant la coupe Stanley en 2011 à Vancouver, le titre sous formulation de statistique, fait également référence à une actualité proche : ” We are the 99% ” d’Occupons Montréal.
Cette imbrication entre évènements, anecdotes et réappropriations, ces va-et-vient entre histoire et actualité, placent le travail de Meuwissen au cœur du débat politique actuel et lui confère une dimension sociale engagée.
Acapulco / Mirador
Mirador est une imposante installation extérieure composée d’échafaudages recouverts de divers matériaux de construction. L’œuvre prend la forme d’une montagne schématisée qui s’étend sur une grande surface de l’immeuble face à la Fonderie Darling. Une entrée aménagée à la base de la structure permet de pénétrer à l’intérieur de ce fragment de paysage et d’en arpenter les entrailles afin de profiter du point de vue exceptionnel offert par le promontoire situé au sommet. Ceux qui font l’ascension de la montagne s’exposent ainsi à une perspective tout à fait différente sur le décor environnant. Mirador, avec son esthétique brute rappelant les chantiers de construction, est le résultat d’une réflexion autour du paysage, du factice, des jeux d’échelle et de l’espace public.
L’installation questionne notre rapport au paysage. L’image de la montagne à gravir, qui n’est pas sans rappeler la conception du paysage de l’époque romantique, évoque un certain rapport au merveilleux, à l’épique et au sublime. L’imposition de cet icône paysager en pleine rue souligne, par opposition, les particularités du contexte urbain. Il entre en dialogue avec l’environnement industriel, bâti de toutes pièces, et participe à l’imposition d’un « paysage fabriqué » au paysage existant, à la création d’une nouvelle trame urbaine. La nouvelle perspective sur cet espace urbain étroit (offerte par le promontoire) fait état de son absence d’horizon et de repères géographiques. À la manière d’un monument public, la présence de la montagne ouvre vers une forme de présence énigmatique imposant un respect révérencieux. Par son intégration au milieu urbain, la montagne devient elle-même ce monument.
Ce projet s’inscrit dans la continuité de travaux récents, notamment les oeuvres Lévis-sur-mer (2014), Fait divers (2014) et Projet Clés en main (2010). Tout comme dans ces précédents projets, Mirador témoigne de notre intérêt pour l’in situ, le construit, le paysage et le monumental. Dans le même ordre d’idées, cette installation est basée sur un jeu d’échelle de l’objet par rapport à son territoire d’occupation et fait référence à une imagerie connue, mais hors contexte. Ce procédé, utilisé régulièrement dans notre pratique, permet une appropriation totale de l’espace occupé et une transgression immédiate des repères contextuels du lieu. L’expérience immersive de l’oeuvre s’en trouve bonifiée et bascule de l’appréhension d’un nouvel élément dans le paysage vers ce nouvel élément qui devient le paysage lui-même.
André Fortino / Hôtel Formes Sauvages
Pour sa première exposition en Amérique, l’artiste français André Fortino présentera le triptyque vidéo Hôtel Formes Sauvages (2009-2015), une œuvre qu’il a mis 5 ans à compléter. En plus de ce projet, Fortino réinterprétera une performance qu’il a développée en collaboration avec la chorégraphe Katharina Christl (Le Corps des formes live). Dans le triptyque vidéo et la performance, le langage de la danse et celui des arts visuels se croisent afin d’explorer de nouveaux modes d’écriture du geste.
Transformant la vidéo Hôtel Dieu (2009) en une partition employée afin de créer les deux autres volets, Les Paradis sauvages (2012) et Le Corps des formes (2015), Fortino exploite le statut ambigu du film et son rapport conflictuel au réel et à la mémoire. L’œuvre filmée, réalisée dans l’après-coup de la performance, devient en quelque sorte un document à rejouer, non plus fidèle à sa source mais porteur de multiples interprétations visant à en épuiser les potentialités.
Improvisée, Hôtel Dieu montre un personnage masqué explorant un site désaffecté, chaque pièces et objets croisés sur son passage appelant furieusement une réponse énergique et très physique. C’est en se concentrant dans un deuxième temps sur l’œuvre vidéo que Fortino a vu apparaître les correspondances entre l’environnement abandonné et les gestes spontanés qu’il a suscités, une articulation restée pour lui invisible alors qu’il ne réagissait qu’instinctivement aux lieux. Une forme d’écriture s’est alors dévoilée, ce qui lui a donné l’idée de travailler avec le vidéaste Hadrien Bels à la reprise de chacun des mouvements initiaux, traités comme des objets autonomes de leur contexte de départ, afin de les confronter à de nouveaux paysages, plus cinématographiques. En troisième lieu, Fortino a proposé à Christl, danseuse et chorégraphe, de composer à partir de la vidéo originale une chorégraphie qu’il a d’abord performé devant public avant d’en faire le dernier élément du triptyque. Plutôt que de s’inspirer des gestes et du personnage masqué mis en scène dans Hôtel Dieu, Christl s’est intéressée aux déplacements des objets et du mobilier opérés dans l’espace, mettant davantage l’accent sur les trajectoires, et transformant du même coup Fortino lui-même en un objet. Avec ce projet, l’artiste, qui n’a pas de formation de danseur, a dû se confronter à un autre mode de travail, exigeant de lui un effort de mémorisation, de gestion de sa respiration et de son énergie pour pouvoir maintenir jusqu’au bout l’intensité de sa performance, consistant en l’incarnation des idées d’une tierce personne.
Roy Meuwissen / LAT. 17°33′13″N LONG. 99°24′37″W
L’actualité et les différents langages artistiques qui la relatent, articulent ” LAT. 17°33′13″N LONG. 99°24′37″W “, une proposition de Roy Meuwissen. Se basant sur deux manifestations d’étudiants au Mexique qui tournent au tragique en 1968 et 2014, l’artiste superpose ces événements à des anecdotes historiques pour livrer un compte-rendu froid et incisif sur les politiques de baîllon des plus jeunes, un écho direct au Printemps Érable. Première anecdote directement en lien à l’histoire de l’art et à ces tragédies, est la résidence à Mexico dans les années 1968 de l’artiste On Kawara et la réalisation en ces lieux de certaines de ses Date paintings, œuvre éphéméride légendaires. Cette circonstance l’autorise à s’approprier les standards artistiques des Dates paintings, dont il adopte le format noir et rectangulaire, ainsi que la froideur et le détachement conceptuel. Lien intrinsèque à l’actualité et titulaire de l’immunité artistique, chacune des peintures de Kawara est emballée de coupures de journal du jour de leur réalisation, et, à ce titre, représente un document d’archives à part entière, rescapée de la censure imposée par l’état.
La deuxième anecdote est la tenue cette même année des jeux olympiques de Mexico dont la signature visuelle de Lance Wyman deviendra le symbole de cet événement sportif, qui lui inversement tend à mettre la jeunesse sur un piedestal. L’artiste superpose la fonte iconique aux répliques des tableaux noirs de Kawara, inscrivant l’un après l’autre sur chacun, les noms des étudiants, tels des épitaphes. Une seule peinture rouge de même facture est mise en exergue de la salle principale, et porte le nom de l’étudiant découvert et identifié. La coïncidence de l’exposition avec la date anniversaire du funeste événement, le 26 septembre 2014 à Iguala (Mexique), ajoute une dimension circonstancielle accablante.
Autre travail de ré-appropriation présentée ici par Meuwissen est celui des photographies conceptuelles Possesion (1976) de l’artiste britannique Victor Burgin dont il réinvente une partie du contenu. La question et la réponse que propose Burgin – « What does possession mean to you? 7% of the population own 84% of our wealth » – pointent le déséquilibre social entre riche et pauvre et, par le choix de l’image, les pouvoirs d’influence, de séduction, de manipulation. Substituant celle-ci par un cliché mythique d’un couple en position de coït malgré l’encerclement de policier lors des mouvements de protestation populaires durant la coupe Stanley en 2011 à Vancouver, le titre sous formulation de statistique, fait également référence à une actualité proche : ” We are the 99% ” d’Occupons Montréal.
Cette imbrication entre évènements, anecdotes et réappropriations, ces va-et-vient entre histoire et actualité, placent le travail de Meuwissen au cœur du débat politique actuel et lui confère une dimension sociale engagée.
Acapulco / Mirador
Mirador est une imposante installation extérieure composée d’échafaudages recouverts de divers matériaux de construction. L’œuvre prend la forme d’une montagne schématisée qui s’étend sur une grande surface de l’immeuble face à la Fonderie Darling. Une entrée aménagée à la base de la structure permet de pénétrer à l’intérieur de ce fragment de paysage et d’en arpenter les entrailles afin de profiter du point de vue exceptionnel offert par le promontoire situé au sommet. Ceux qui font l’ascension de la montagne s’exposent ainsi à une perspective tout à fait différente sur le décor environnant. Mirador, avec son esthétique brute rappelant les chantiers de construction, est le résultat d’une réflexion autour du paysage, du factice, des jeux d’échelle et de l’espace public.
L’installation questionne notre rapport au paysage. L’image de la montagne à gravir, qui n’est pas sans rappeler la conception du paysage de l’époque romantique, évoque un certain rapport au merveilleux, à l’épique et au sublime. L’imposition de cet icône paysager en pleine rue souligne, par opposition, les particularités du contexte urbain. Il entre en dialogue avec l’environnement industriel, bâti de toutes pièces, et participe à l’imposition d’un « paysage fabriqué » au paysage existant, à la création d’une nouvelle trame urbaine. La nouvelle perspective sur cet espace urbain étroit (offerte par le promontoire) fait état de son absence d’horizon et de repères géographiques. À la manière d’un monument public, la présence de la montagne ouvre vers une forme de présence énigmatique imposant un respect révérencieux. Par son intégration au milieu urbain, la montagne devient elle-même ce monument.
Ce projet s’inscrit dans la continuité de travaux récents, notamment les oeuvres Lévis-sur-mer (2014), Fait divers (2014) et Projet Clés en main (2010). Tout comme dans ces précédents projets, Mirador témoigne de notre intérêt pour l’in situ, le construit, le paysage et le monumental. Dans le même ordre d’idées, cette installation est basée sur un jeu d’échelle de l’objet par rapport à son territoire d’occupation et fait référence à une imagerie connue, mais hors contexte. Ce procédé, utilisé régulièrement dans notre pratique, permet une appropriation totale de l’espace occupé et une transgression immédiate des repères contextuels du lieu. L’expérience immersive de l’oeuvre s’en trouve bonifiée et bascule de l’appréhension d’un nouvel élément dans le paysage vers ce nouvel élément qui devient le paysage lui-même.