© Marc-Antoine K. Phaneuf. Nussdorf Dam, administration block, 2012
Photo : Guy L’Heureux

Marc-Antoine K. Phaneuf et Michael Blum, vernissage le samedi 24 janvier à 15h à Optica

EXPOSITION GALERIE 2
Marc-Antoine K. Phaneuf (Montréal)
Études préparatoires. Dessins d’explosions 2012-2015
TOUT FAIRE PÉTER!

MAKP veut tout faire péter, tout détruire. Comme les primitivistes, il scande : Zerstörung ist ein Anfang![2] Mais de quoi la destruction est-elle le début? 

Peu importe : BOUM! T’es mort, et nous tous avec toi. À quoi bon réfléchir encore à l’histoire quand on explose avec elle? Ce qu’il reste désormais d’elle et de nous,– membres, chairs, carcasses, ossatures, architectures, « anarchitectures », automobiles, sports, Tarzan, PET et tout ce que cela représente – est-ce vraiment si beau à voir? Au moins nous voilà morts en beauté. 

Mourir en beauté, juste parce que c’est beau à voir quand ça explose. Juste pour ça. Seulement pour ça. Tous ces symboles sacrifiés, parce que « les actes dépassent souvent la pensée dans le feu de l’action » (Socrate hurlant derrière le banc des joueurs, en fin de deuxième période). Voir tout ça péter et, l’instant d’avant que ça ne s’effondre, en jubiler. 

Tant qu’à péter avec l’histoire, aussi bien, pour nous comme pour Mme Lemay de Saint-Hyacinthe, le faire en beauté. Après tout… paraît que ça prend de la violence pour intéresser le spectateur (encore Socrate qui beugle…). Après tout… y’aura jamais assez de fameux 5 novembre pour remplir tous les charniers (l’alchimie de l’écriture a voulu que le sens de ce passage soit noyé par l’histoire, explosé dans « la bière du chien à Molson »). 

Avec quelque chose de la prouesse d’un Gaétan Boucher ou d’une Nadia Comăneci, MAKP dessine l’effondrement à venir de l’édifice, le cœur collectif de l’histoire battant à rompre sa charpente, sur le point d’être pulvérisée. Pas n’importe quelle histoire : la nôtre, simultanément petite et grande. Y aura-t-il encore quelque chose, après l’effondrement? Il y aura quelque chose d’une suite à écrire sur ce qui sera resté intact de notre beauté. 

Et la foule en délire criera, avec un Yvon Lambert mal cité, « que la violence est la base… » (encore la bière de l’autre…). Ce sera le grand retour de Byzance; Roublev, la peur au ventre, les poings levés devant Lambert à la ligne blanche; Brunet au centre de la glace, pendant que l’arbitre se jette dans la mêlée… 

Fin de la partie: j’oubliais! De quoi, au juste, la destruction est-elle le début? Avec les lambeaux de notre cœur tout pété, il faudra bien trouver quoi dire, quoi faire ou quoi écrire : ce sera le début d’une autre histoire, qu’on voudra économe d’austérité. 

Auteur : Alexis Desgagnés
Alexis Desgagnés vit, lit, écrit, photographie et aime au Québec. 

 
 

EXPOSITION GALERIE 1
Michael Blum (Montréal)
Palazzo Chupi – installation médium mixte

Michael Blum propose une (re)lecture critique et subversive des grands récits historiques. « Ses projets [confrontent l’expérience subjective et] la dimension individuelle aux macro systèmes économiques et sociopolitiques »[1], le plus souvent par l’entremise de personnages ou de faits divers négligés dont il se réapproprie la trame narrative en y insérant de nouvelles mailles. Deux expositions présentées à Montréal en 2014 s’appuyaient sur des investigations récentes et portaient respectivement sur les activités de Jacques Mesrine au Québec (Guerre et paix, VOX) et sur la question des identités québécoise(s) et canadienne(s) (Notre histoire || Our History, Galerie de l’UQAM). 

L’installation Palazzo Chupi, présentée à OPTICA, emprunte son titre au projet immobilier de Julian Schnabel : en 2007, le peintre et cinéaste américain ajoutait sept étages de style vénitien à l’ancienne écurie qu’il occupait déjà dans le West Village à Manhattan. Ce geste architectural aussi excentrique que controversé se voulait à la fois artistique et commercial, une ambition que l’esthétique clinquante du bâtiment et la crise financière de 2008 firent toutefois avorter. Le Palazzo Chupi de Michael Blum, créé cette même année alors qu’il habitait à New York, est ici montré pour la première fois. Au-delà des questionnements qu’elle soulève quant à la gentrification urbaine, à la conservation du patrimoine bâti, ou à la logique spéculative rampante du secteur foncier et du marché de l’art, l’exposition invite le spectateur à « traverser l’image » – aux sens propre et figuré – et montre que l’Histoire, comme tout autre récit, est une construction. 

Palazzo Chupi articule divers éléments, notamment une vidéo qui présente 21 dessins attribués à Sherwood Darnell. Ce dernier aurait autrefois occupé une cellule de la prison faisant face au site où trône aujourd’hui le palais ; ses œuvres représentent l’évolution des lieux depuis le Big Bang jusqu’à un avenir très lointain. Ce corpus inédit témoigne non seulement de l’évolution du West Village – délaissant une conception linéaire du temps au profit de sa représentation cyclique –, mais il dévoile également un parcours artistique singulier, jusqu’alors inconnu. Ainsi, Darnell tient lieu de repoussoir à la célébrité de Schnabel (qui, pourtant, brille ici par son absence). La mise en lumière de cette histoire parallèle semble ultimement s’incarner au sein d’un espace d’exposition partagé en deux zones distinctes – l’une publique, l’autre cachée –, une dichotomie spatiale nous incitant à explorer l’envers du décor. 

Michael Blum emploie un large éventail de médias, allant de la photographie et la vidéo aux installations, publications et livres d’artiste. Son travail a été présenté notamment au Centre Georges-Pompidou (Paris), au New Museum (New York), au festival transmediale (Berlin), à la Kunsthalle Wien (Vienne), au Museum der Moderne de Salzburg, au centre De Appel (Amsterdam), au San Francisco Art Institute, ainsi qu’aux biennales de Szczecin, d’Istanbul, de Turin et de Tirana. Il est professeur à l’École des arts visuels et médiatiques de l’UQAM depuis 2010. 
www.blumology.net

Auteure : Geneviève Bédard
Geneviève Bédard est auteure, commissaire émergente et coordonnatrice des expositions et de la médiation à VOX, centre de l’image contemporaine.
 

 


[1] Corinne Charpentier, « Nowhere Better Than This Place », La dernière brève. [En ligne] Frankfurt : Revolver Verlag, 2005, p. 7. http://blumology.net/ccharpentierF.pdf. Consulté le 20 décembre 2014. 
 
[2] Notre traduction : « la destruction est le début ». 
 

 

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