Living Things
Carte grise à Roy Arden
Geneviève Cadieux (Montréal), Olga Chagaoutdinova (Montréal), Moyra Davey (New York), Anthony Hernandez (Los Angeles), Jochen Lempert (Hambourg), Stephen Waddell (Vancouver), Jeff Wall (Vancouver), Wols (Paris) et Roy Arden (Vancouver)
« L’image peut avoir une relation avec la nature comme la fugue de Bach au Christ. Alors, ce n’est pas une imitation, mais une création analogue. »
– Wols
Chaque année, Dazibao invite un artiste à agir à titre de commissaire pour une exposition intitulée Carte grise. Puisant librement à l’œuvre de neuf artistes, Roy Arden a rassemblé une collection d’études de choses. Elles montrent divers organismes vivants qui alimentent la réflexion de Arden sur le fonctionnement de la description dont la photographie serait un véhicule privilégié.
Living Things est une exposition de photographies d’organismes animaux et végétaux choisies parmi les œuvres très différentes d’un groupe d’artistes que j’admire. Mon but n’est pas d’illustrer un thème, mais de formuler à voix haute une question que je me pose depuis quelque temps : que signifie aujourd’hui décrire le monde naturel? L’une des toute premières tâches de la description a été de produire des images de l’humain, du végétal, de l’animal. En dépit des récentes avant-gardes et autres révolutions artistiques plus importantes encore, la description naturaliste semble être une constante quasi éternelle. Alors qu’adolescent j’ai vu pour la première fois La grande touffe d’herbe de Dürer, j’ai été frappé par son immédiateté, alors que je m’attendais à ce que tous les tableaux anciens paraissent distants. De par leur naturalisme, la plupart des œuvres réunies ici diffèrent peu de La grande touffe d’herbe, qui date de 1503. D’ailleurs des œuvres remontant aux Grecs ou même plus loin possèdent essentiellement ces mêmes caractéristiques.
Alors que les descriptions du vivant ont rempli une multitude de fonctions allant du totémique au sacré et au scientifique, tous les artistes réunis ici pratiquent un art autonome. Dans l’ère actuelle, on pourrait être tenté d’avancer que cette autonomie est pareille à l’expression de la conscience bourgeoise. Parmi ces artistes, Jochen Lempert, biologiste de formation, est peut-être même le seul à avoir de ses sujets des connaissances spécialisées. Cependant, malgré une méthodologie presque scientifique, il est autant que les autres engagé dans un projet purement poétique.
Toutes les images présentées ici s’inscrivent dans les limites de la vision humaine, dont les paramètres sont reproduits par la caméra. J’ai délibérément renoncé aux lentilles microscopiques. Ainsi, bien que les photos de poussière de Moyra Davey ou celle d’algues d’Anthony Hernandez puissent suggérer la présence de micro-organismes, ces derniers ne peuvent être identifiés en tant qu’êtres spécifiques.
J’espère que Solar, mon image, montre la violence inhérente à ce qui apparaît, puisque la lumière qui rend visible une chose la nourrit tout en la corrompant. J’ai pris conscience de cela pour la première fois en regardant les photos de Wols.
J’ai inclus dans l’exposition des sujets vivants et morts pour demander ce qui change lorsque la vie prend fin – au fait, quand une vie prend-t-elle fin? Dans la photo de Wols d’un lapin mort, il est évident que le lapin n’est plus vivant, cependant c’est toujours un lapin – quand donc le lapin cesse-t-il d’exister? Lorsque son cœur s’arrête? Quand la dernière molécule s’en est détachée? Dans Clipped Branches, de Jeff Wall, on voit un objet vivant auquel on retranche des sections. Nous inventons des formes normatives ou idéales à partir de notre expérience d’un détail, mais il semblerait que les choses puissent survivre dans une forme moins qu’idéale.
La photographie faite par Olga Chagaoutdinova de sa famille et la Main de Geneviève Cadieux enregistrent toutes deux l’expressivité du visage et du corps, tandis que la description d’une femme vue de dos par Stephen Waddell refuse celle-ci. Que pouvons connaître du dedans à partir du dehors?
Cette exposition n’est pas motivée par un goût extraordinaire pour la nature. Ce n’est pas que j’aime particulièrement la nature; j’éprouve plutôt du plaisir à regarder. Peut-être que le vivant est généralement plus intéressant à regarder que les minéraux ou les choses fabriquées parce qu’il possède une vie intérieure.
Roy Arden
Roy Arden est un artiste de Vancouver. Attentif aux images comme lieu de rencontre entre les traces du passé et les irruptions abruptes du nouveau, Arden a contribué à nombre de publications et organisé maintes expositions. Depuis 1980, ses oeuvres photographiques et vidéographiques ont été exposées dans de nombreuses institutions nord-américaines et européennes et font partie de plusieurs collections muséales.
Geneviève Cadieux vit et travaille à Montréal. Depuis les années 80, la photographie de grand format occupe une place centrale dans son œuvre qui se concentre autour de sujets tels que le corps, le paysage et le langage. Son travail a fait l’objet de nombreuses expositions individuelles et collectives tant au Canada qu’aux États-Unis ou en Europe. En 1990, elle a représenté le Canada à la Biennale de Venise.
Originaire de Russie, Olga Chagaoutdinova a complété en 2007 une maîtrise en Photographie à l’Université Concordia à Montréal, où elle s’est établie. Dans son numéro de l’hiver 2008, la revue Canadian Art la classait parmi les dix finissants universitaires les plus prometteurs au Canada. Son travail a été exposé au Canada et en Russie, et elle participait en 2009 à la Biennale de La Havane.
Originaire du Canada, Moyra Davey est établie à New York. Dans ses oeuvres photographiques ou vidéographiques, elle utilise la caméra pour isoler des détails ou réorganiser ce qui est vu. Son travail a récemment été présenté à la Kunsthalle Basel (Suisse), au Museo Nacional Centro de Arte Reina Sofia (Madrid) ainsi qu’au Chicago Art Institute (USA). Elle est l’auteure d’essais et de nombreux articles.
Anthony Hernandez vit et travaille à Los Angeles. Depuis le milieu des années 80, sa pratique va vers des images où la présence humaine, bien qu’invisible, est indéniable. Ses oeuvres ont fait l’objet d’expositions au Seattle Art Museum, au Musée de l’Élysée (Lausanne), au Centre national de la photographie (Paris) et à la Vancouver Art Gallery et font partie de plusieurs collections publiques et privées.
Jochen Lempert vit et travaille à Hambourg. Doué d’une inépuisable capacité d’observation et de recherche, il compile des images issues d’un large spectre allant de vues plutôt banales à des structures qui tendent vers l’abstraction. Empruntant souvent la forme encyclopédique, ses oeuvres ont fait l’objet de nombreuses expositions en Europe et sont présentées pour la première fois au Canada.
Stephen Waddell vit et travaille à Vancouver. Réalisant le plus souvent ses clichés dans des lieux publics, il s’attache avant tout à la description, jamais loin chez lui de l’état de contemplation qu’induit le regard attentif. Son travail est régulièrement présenté tant en Amérique du Nord qu’en Europe et fait partie de collections publiques et privées.
Jeff Wall vit et travaille à Vancouver. En réponse à l’art abstrait, il a développé une pratique réactualisant les concepts du sujet et de la narrativité, jouant un rôle clef dans la reconnaissance de la photographie en tant que forme artistique. Ses oeuvres ont été présentées dans nombre de musées, galeries et manifestations internationales parmi les plus importants au monde. Il est l’un des photographes les plus influents de son époque.
Alfred Otto Wolfgang Schultz, alias Wols (1913-1951) est un artiste ayant pratiqué l’aquarelle, le dessin, la peinture et la photographie. Bien que ses thèmes de prédilection soient issus de la nature, Wols est considéré comme un pionnier de l’abstraction lyrique et le membre le plus influent du mouvement Tachiste.
Living Things
Carte grise à Roy Arden
Geneviève Cadieux (Montréal), Olga Chagaoutdinova (Montréal), Moyra Davey (New York), Anthony Hernandez (Los Angeles), Jochen Lempert (Hambourg), Stephen Waddell (Vancouver), Jeff Wall (Vancouver), Wols (Paris) et Roy Arden (Vancouver)
« L’image peut avoir une relation avec la nature comme la fugue de Bach au Christ. Alors, ce n’est pas une imitation, mais une création analogue. »
– Wols
Chaque année, Dazibao invite un artiste à agir à titre de commissaire pour une exposition intitulée Carte grise. Puisant librement à l’œuvre de neuf artistes, Roy Arden a rassemblé une collection d’études de choses. Elles montrent divers organismes vivants qui alimentent la réflexion de Arden sur le fonctionnement de la description dont la photographie serait un véhicule privilégié.
Living Things est une exposition de photographies d’organismes animaux et végétaux choisies parmi les œuvres très différentes d’un groupe d’artistes que j’admire. Mon but n’est pas d’illustrer un thème, mais de formuler à voix haute une question que je me pose depuis quelque temps : que signifie aujourd’hui décrire le monde naturel? L’une des toute premières tâches de la description a été de produire des images de l’humain, du végétal, de l’animal. En dépit des récentes avant-gardes et autres révolutions artistiques plus importantes encore, la description naturaliste semble être une constante quasi éternelle. Alors qu’adolescent j’ai vu pour la première fois La grande touffe d’herbe de Dürer, j’ai été frappé par son immédiateté, alors que je m’attendais à ce que tous les tableaux anciens paraissent distants. De par leur naturalisme, la plupart des œuvres réunies ici diffèrent peu de La grande touffe d’herbe, qui date de 1503. D’ailleurs des œuvres remontant aux Grecs ou même plus loin possèdent essentiellement ces mêmes caractéristiques.
Alors que les descriptions du vivant ont rempli une multitude de fonctions allant du totémique au sacré et au scientifique, tous les artistes réunis ici pratiquent un art autonome. Dans l’ère actuelle, on pourrait être tenté d’avancer que cette autonomie est pareille à l’expression de la conscience bourgeoise. Parmi ces artistes, Jochen Lempert, biologiste de formation, est peut-être même le seul à avoir de ses sujets des connaissances spécialisées. Cependant, malgré une méthodologie presque scientifique, il est autant que les autres engagé dans un projet purement poétique.
Toutes les images présentées ici s’inscrivent dans les limites de la vision humaine, dont les paramètres sont reproduits par la caméra. J’ai délibérément renoncé aux lentilles microscopiques. Ainsi, bien que les photos de poussière de Moyra Davey ou celle d’algues d’Anthony Hernandez puissent suggérer la présence de micro-organismes, ces derniers ne peuvent être identifiés en tant qu’êtres spécifiques.
J’espère que Solar, mon image, montre la violence inhérente à ce qui apparaît, puisque la lumière qui rend visible une chose la nourrit tout en la corrompant. J’ai pris conscience de cela pour la première fois en regardant les photos de Wols.
J’ai inclus dans l’exposition des sujets vivants et morts pour demander ce qui change lorsque la vie prend fin – au fait, quand une vie prend-t-elle fin? Dans la photo de Wols d’un lapin mort, il est évident que le lapin n’est plus vivant, cependant c’est toujours un lapin – quand donc le lapin cesse-t-il d’exister? Lorsque son cœur s’arrête? Quand la dernière molécule s’en est détachée? Dans Clipped Branches, de Jeff Wall, on voit un objet vivant auquel on retranche des sections. Nous inventons des formes normatives ou idéales à partir de notre expérience d’un détail, mais il semblerait que les choses puissent survivre dans une forme moins qu’idéale.
La photographie faite par Olga Chagaoutdinova de sa famille et la Main de Geneviève Cadieux enregistrent toutes deux l’expressivité du visage et du corps, tandis que la description d’une femme vue de dos par Stephen Waddell refuse celle-ci. Que pouvons connaître du dedans à partir du dehors?
Cette exposition n’est pas motivée par un goût extraordinaire pour la nature. Ce n’est pas que j’aime particulièrement la nature; j’éprouve plutôt du plaisir à regarder. Peut-être que le vivant est généralement plus intéressant à regarder que les minéraux ou les choses fabriquées parce qu’il possède une vie intérieure.
Roy Arden
Roy Arden est un artiste de Vancouver. Attentif aux images comme lieu de rencontre entre les traces du passé et les irruptions abruptes du nouveau, Arden a contribué à nombre de publications et organisé maintes expositions. Depuis 1980, ses oeuvres photographiques et vidéographiques ont été exposées dans de nombreuses institutions nord-américaines et européennes et font partie de plusieurs collections muséales.
Geneviève Cadieux vit et travaille à Montréal. Depuis les années 80, la photographie de grand format occupe une place centrale dans son œuvre qui se concentre autour de sujets tels que le corps, le paysage et le langage. Son travail a fait l’objet de nombreuses expositions individuelles et collectives tant au Canada qu’aux États-Unis ou en Europe. En 1990, elle a représenté le Canada à la Biennale de Venise.
Originaire de Russie, Olga Chagaoutdinova a complété en 2007 une maîtrise en Photographie à l’Université Concordia à Montréal, où elle s’est établie. Dans son numéro de l’hiver 2008, la revue Canadian Art la classait parmi les dix finissants universitaires les plus prometteurs au Canada. Son travail a été exposé au Canada et en Russie, et elle participait en 2009 à la Biennale de La Havane.
Originaire du Canada, Moyra Davey est établie à New York. Dans ses oeuvres photographiques ou vidéographiques, elle utilise la caméra pour isoler des détails ou réorganiser ce qui est vu. Son travail a récemment été présenté à la Kunsthalle Basel (Suisse), au Museo Nacional Centro de Arte Reina Sofia (Madrid) ainsi qu’au Chicago Art Institute (USA). Elle est l’auteure d’essais et de nombreux articles.
Anthony Hernandez vit et travaille à Los Angeles. Depuis le milieu des années 80, sa pratique va vers des images où la présence humaine, bien qu’invisible, est indéniable. Ses oeuvres ont fait l’objet d’expositions au Seattle Art Museum, au Musée de l’Élysée (Lausanne), au Centre national de la photographie (Paris) et à la Vancouver Art Gallery et font partie de plusieurs collections publiques et privées.
Jochen Lempert vit et travaille à Hambourg. Doué d’une inépuisable capacité d’observation et de recherche, il compile des images issues d’un large spectre allant de vues plutôt banales à des structures qui tendent vers l’abstraction. Empruntant souvent la forme encyclopédique, ses oeuvres ont fait l’objet de nombreuses expositions en Europe et sont présentées pour la première fois au Canada.
Stephen Waddell vit et travaille à Vancouver. Réalisant le plus souvent ses clichés dans des lieux publics, il s’attache avant tout à la description, jamais loin chez lui de l’état de contemplation qu’induit le regard attentif. Son travail est régulièrement présenté tant en Amérique du Nord qu’en Europe et fait partie de collections publiques et privées.
Jeff Wall vit et travaille à Vancouver. En réponse à l’art abstrait, il a développé une pratique réactualisant les concepts du sujet et de la narrativité, jouant un rôle clef dans la reconnaissance de la photographie en tant que forme artistique. Ses oeuvres ont été présentées dans nombre de musées, galeries et manifestations internationales parmi les plus importants au monde. Il est l’un des photographes les plus influents de son époque.
Alfred Otto Wolfgang Schultz, alias Wols (1913-1951) est un artiste ayant pratiqué l’aquarelle, le dessin, la peinture et la photographie. Bien que ses thèmes de prédilection soient issus de la nature, Wols est considéré comme un pionnier de l’abstraction lyrique et le membre le plus influent du mouvement Tachiste.