Les artistes en arts visuels canadiens subissent un manque à gagner de 18 437 dollars de redevances pour droit de suite

Une vente aux enchères tenue par Sotheby’s le 23 novembre au Royal Ontario Museum, à Toronto, a rapporté un total de 4 944 000 dollars de ventes d’œuvres d’art canadiennes. Parmi celles-ci, des œuvres réalisées par treize artistes canadiens vivants ont atteint un total de 368 750 dollars. Ces ventes ont bénéficié à de nombreuses personnes – à toutes les parties concernées, sauf les artistes, qui n’en ont pas touché un sou. Ce genre de situation ne pourra plus se produire si la Canada adopte les recommandations de CARFAC et du RAAV concernant le droit de sur la revente des oeuvres artistiques.
 
Le droit de suite procurerait aux artistes 5 % du produit des reventes successives de leur œuvres réalisées par l’entremise de maisons de ventes aux enchères telles que Sotheby’s. Si le Canada avait déjà inscrit le droit de suite dans sa législation, la somme de 18 437 dollars en redevances aurait été versée à des artistes canadiens vivants à la suite de cette vente aux enchères, en plus des redevances qui auraient été collectées par la succession d’autres artistes. Les artistes concernés dans ce cas sont Rita Letendre, Claude Tousignant, Sorel Etrog, Dennis Burton, Marcel Barbeau, Alex Coleville, Ron Martin, Gordon Smith, Tony Scherman, Takao Tanabe, Joe Fafard, John Little et Molly Lamb Boback. Avec un taux de 5 %, les redevances auraient atteint des montants de 240 à 3 287 dollars. À titre d’exemple, la peinture de Rita Letendre Le Cri, qui s’est vendue 30 000 dollars, aurait valu à son auteure des redevances de 1 500 dollars.
 
Le droit de suite, initialement institué en France en 1920, est aujourd’hui inscrit dans la législation de 59 pays autour du monde, dont la totalité des pays de l’Union européenne. Dans ces pays, les artistes perçoivent un petit pourcentage sur la revente de leurs œuvres sur le marché secondaire. Il est connu qu’au moment de la première vente, une œuvre n’a pas encore atteint sa pleine valeur, et bon nombre d’œuvres sont ainsi pratiquement données. Il est courant que la valeur des œuvres d’art visuel s’apprécie avec le temps, au fur et à mesure que la réputation de l’artiste grandit ; les redevances du droit de suite permettent à ce dernier de profiter de cet accroissement de valeur.

 « Cette redevance est fondée sur la valeur de l’œuvre d’un artiste sur le marché, elle ne coûterait absolument rien au contribuable, explique April Britski, directrice nationale de CARFAC. Des maisons de vente aux enchères comme Sotheby’s facturent couramment des frais de 15 à 20 % aux acheteurs. En comparaison, une redevance de 5 % est modeste. »
 
CARFAC, l’association nationale des artistes en arts visuels du Canada, et son partenaire du Québec, le RAAV, étudient avec le gouvernement fédéral la possibilité d’introduire le droit de suite dans la Loi sur le droit d’auteur en y apportant un amendement sous la forme du projet de loi C-32. Nous sommes convaincus non seulement qu’un tel changement apportera de nouveaux revenus aux artistes, mais également qu’il ne nuira pas au marché canadien, en particulier aux petites entreprises. En effet, une étude indépendante effectuée au Royaume-Uni constate que 87 % des acteurs du marché de l’art ont déclaré qu’ils n’avaient pas été touchés par le droit de suite, mis en œuvre en 2006 dans ce pays. Par ailleurs, une étude menée en 1999 par Patrimoine Canada (aujourd’hui ministère du Patrimoine canadien) révélait que près de 97 % des ventes secondaires étaient conclues dans des maisons de ventes aux enchères d’envergure telles Sotheby’s et Christies, qui sont déjà familiarisées à l’application du droit de suite dans d’autres pays.
 
 « La valeur du marché de l’art canadien connaît une croissance soutenue, et à l’heure actuelle, ce sont essentiellement les collectionneurs et les professionnels du marché qui en profitent. L’artiste est exclu de ce système, dit April Britski. La majorité des galeries d’art vendent de nouvelles œuvres dans le cadre du marché primaire ; alors le droit de suite ne s’y appliquerait pas, sinon à un nombre très limité de transactions. »
 
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