Zone Occupée Automne 2012
«CORRESPONDANCE»
Ou la pratique de l’échange
Très cher ami lecteur,
Très chère amie lectrice,
T’écrire avec mes mots et mes doigts. T’écrire comme à un ami qui attend, loin de moi, ma réponse à une question. T’écrire juste pour que tu entendes les mots qui m’habitent. T’écrire, cet acte si pur et spontané qui livre à l’autre l’essence des sentiments, m’emplit d’une joie incommensurable. Comment ne pas devenir romantique à la simple idée de noircir une page blanche juste pour toi? Je voudrais tant me laisser porter par la magie de l’écriture. Me plonger dans une époque révolue, me vêtir des habits d’incertitude de l’auteur du XIXe siècle pour pouvoir enfin faire étal de tous les accessoires qui lui sont dévolus, tels la chandelle, le crâne et le rêve? Mais non, nous sommes au XXIe siècle, tout cela est du passé, et le temps que je perds à t’écrire ne me permet pas d’aller naviguer sur facebook et tweeter. Cela importe peu, car la faucheuse n’est pas pressée, elle accepte autant la lettre que le tweet. Alors je me permets, je me permets de t’écrire pour te parler de cette toute nouvelle édition qui m’habite.
Je suis rouge de honte à l’idée qu’il s’agit là de ma toute première lettre qui te soit directement adressée. Hélas, les lourdes besognes qui m’incombent ne sauraient excuser une telle négligence de ma part. Mais, qu’à cela ne tienne, je trace ces quelques mots pour pallier cet oubli ou cette paresse mal placée. Ne sois donc pas surpris de voir des sentiments divers surgir au fil du trait menu et incertain de cette écriture manuscrite. C’est que, vois-tu, cette plume que je tiens ne semble pas totalement m’appartenir; elle avance, zigzague, et parfois même elle s’amuse à errer sinueusement sur ce papier mat. J’espère qu’elle ne te griffera pas trop sans toutefois éviter de ne montrer que douceur et mélancolie. Car c’est bien de mélancolie dont il est question ici, ou plutôt d’une nostalgie que je ressens à l’idée de t’écrire. Car écrire à l’autre, c’est s’écrire à soi. Il s’agit d’une conversation ultime, un dialogue intérieur qui se matérialise pictographiquement dans un geste d’échange. Tu es moi et je suis toi, car dans la lecture c’est mon phrasé que tu entends, et dans mon écriture c’est avec ta voix que j’écris. D’où la nostalgie de parler d’un esprit à l’autre. Ne sommes-nous pas devenus des individus sans voix et à la fois tellement prolixes? Nous écrivons sans cesse grâce aux divers médias qui nous entourent, d’une écriture qui n’est plus écriture mais qui est ressenti immédiat. Avons-nous perdu le temps de la réflexion au profit d’une spontanéité décérébrée? Ma question est directe et sans équivoque, c’est la nostalgie qui me l’a soufflée à l’oreille. Le temps que nous prenons, de lire et relire les passages de nos élucubrations, pour les raturer, les peaufiner ou tout simplement froisser la lettre et la mettre au panier, est-il perdu?
L’éternel recommencement du geste d’écrire, la parole matérialisée par la mécanique des phalanges, n’est-ce pas là pure beauté? Recevoir une lettre, la lire, se perdre dans l’esprit de l’autre, prendre le temps d’y répondre et attendre la réponse ; cela demande
du temps et de la réflexion. Mais le temps me manque, je me suis trop égaré au fil des mots, donc je vais devoir te résumer cette présente édition en 140 caractères, ce qui d’ailleurs sera plus pratique pour tes correspondances:
Tweeter:
«Correspondance ou la pratique de l’échange se situe entre romantisme, nouveaux médias, espace et réflexion. Une thématique axée sur la cocréation.»
Ta dévouée, Zone Occupée
P.S. J’ai parcouru avec émotion tout ce courrier et ces envois que tu m’as fait parvenir.
Merci!
Zone Occupée Automne 2012
«CORRESPONDANCE»
Ou la pratique de l’échange
Très cher ami lecteur,
Très chère amie lectrice,
T’écrire avec mes mots et mes doigts. T’écrire comme à un ami qui attend, loin de moi, ma réponse à une question. T’écrire juste pour que tu entendes les mots qui m’habitent. T’écrire, cet acte si pur et spontané qui livre à l’autre l’essence des sentiments, m’emplit d’une joie incommensurable. Comment ne pas devenir romantique à la simple idée de noircir une page blanche juste pour toi? Je voudrais tant me laisser porter par la magie de l’écriture. Me plonger dans une époque révolue, me vêtir des habits d’incertitude de l’auteur du XIXe siècle pour pouvoir enfin faire étal de tous les accessoires qui lui sont dévolus, tels la chandelle, le crâne et le rêve? Mais non, nous sommes au XXIe siècle, tout cela est du passé, et le temps que je perds à t’écrire ne me permet pas d’aller naviguer sur facebook et tweeter. Cela importe peu, car la faucheuse n’est pas pressée, elle accepte autant la lettre que le tweet. Alors je me permets, je me permets de t’écrire pour te parler de cette toute nouvelle édition qui m’habite.
Je suis rouge de honte à l’idée qu’il s’agit là de ma toute première lettre qui te soit directement adressée. Hélas, les lourdes besognes qui m’incombent ne sauraient excuser une telle négligence de ma part. Mais, qu’à cela ne tienne, je trace ces quelques mots pour pallier cet oubli ou cette paresse mal placée. Ne sois donc pas surpris de voir des sentiments divers surgir au fil du trait menu et incertain de cette écriture manuscrite. C’est que, vois-tu, cette plume que je tiens ne semble pas totalement m’appartenir; elle avance, zigzague, et parfois même elle s’amuse à errer sinueusement sur ce papier mat. J’espère qu’elle ne te griffera pas trop sans toutefois éviter de ne montrer que douceur et mélancolie. Car c’est bien de mélancolie dont il est question ici, ou plutôt d’une nostalgie que je ressens à l’idée de t’écrire. Car écrire à l’autre, c’est s’écrire à soi. Il s’agit d’une conversation ultime, un dialogue intérieur qui se matérialise pictographiquement dans un geste d’échange. Tu es moi et je suis toi, car dans la lecture c’est mon phrasé que tu entends, et dans mon écriture c’est avec ta voix que j’écris. D’où la nostalgie de parler d’un esprit à l’autre. Ne sommes-nous pas devenus des individus sans voix et à la fois tellement prolixes? Nous écrivons sans cesse grâce aux divers médias qui nous entourent, d’une écriture qui n’est plus écriture mais qui est ressenti immédiat. Avons-nous perdu le temps de la réflexion au profit d’une spontanéité décérébrée? Ma question est directe et sans équivoque, c’est la nostalgie qui me l’a soufflée à l’oreille. Le temps que nous prenons, de lire et relire les passages de nos élucubrations, pour les raturer, les peaufiner ou tout simplement froisser la lettre et la mettre au panier, est-il perdu?
L’éternel recommencement du geste d’écrire, la parole matérialisée par la mécanique des phalanges, n’est-ce pas là pure beauté? Recevoir une lettre, la lire, se perdre dans l’esprit de l’autre, prendre le temps d’y répondre et attendre la réponse ; cela demande
du temps et de la réflexion. Mais le temps me manque, je me suis trop égaré au fil des mots, donc je vais devoir te résumer cette présente édition en 140 caractères, ce qui d’ailleurs sera plus pratique pour tes correspondances:
Tweeter:
«Correspondance ou la pratique de l’échange se situe entre romantisme, nouveaux médias, espace et réflexion. Une thématique axée sur la cocréation.»
Ta dévouée, Zone Occupée
P.S. J’ai parcouru avec émotion tout ce courrier et ces envois que tu m’as fait parvenir.
Merci!