Crédit : Béatrice Flynn (source : 1700 La Poste)

François Morelli remporte le Prix Paul-Émile Borduas

L’approche artistique de François Morelli naît dans le quartier Hochelaga-Maisonneuve, à Montréal. Entre les cultures italophone, francophone et anglophone, cet artiste multidisciplinaire se forge un attrait particulier pour la diversité de regards, qui évoluera plus tard en une diversité d’expressions, ses compétences allant du dessin à l’estampe, de la sculpture au tampon encreur.

Son baccalauréat en beaux-arts de l’Université Concordia, obtenu en 1975, est l’occasion pour lui de développer des stratégies conceptuelles : nourrir les pigeons, documenter les arbres par frottis ou faire l’interprétation de papiers à mouches. « Dès le début, l’important, c’était de trouver un sens, de trouver de quoi parler. Alors, je suis retourné à mon quotidien dans lequel je voulais m’assurer de trouver du contenu. Donc, les rencontres, les lieux, ce qui se passait dans le monde est devenu le contenu de mon travail, sur lequel je portais un regard affectif, politique, social, contestataire ou purement amoureux de la beauté, mais toujours lié à mon quotidien. »

En 1977 se tient à la galerie Rodrigue Le May, à Ottawa, sa toute première exposition professionnelle. S’ensuivent sa première exposition muséale au Musée national des beaux-arts du Québec, de multiples implications au Québec et sa participation à la création du centre d’artistes Articule, à Montréal. À la même période, il rejette les frontières rigides et les catégories traditionnelles qui définissent les disciplines artistiques pour appuyer leurs distinctions. Cette vision inédite le place dès lors comme l’ambassadeur de la multidisciplinarité au Québec. Si le dessin est l’art qu’il pratique le plus et qu’il enseigne très tôt dans son cheminement, il s’ouvre rapidement à d’autres formes et médias, tels que la sculpture, la peinture ou la photographie.

L’année 1981 est un moment charnière pour lui, car il commence à enseigner à l’Université du Québec à Chicoutimi. Puis, il choisit de s’expatrier à New York pour enrichir sa pratique de la performance. À l’Université Rutgers, au New Jersey, il continue l’enseignement et obtient une maîtrise en beaux-arts en 1983. « Durant toute ma carrière, j’ai toujours vu l’enseignement comme étant un moment créatif et aucunement quelque chose qui m’éloignait de ma pratique. »

Pendant 10 ans, il côtoie un milieu bouillonnant d’idées, solidifie sa pratique hybride et assoit les répercussions à la fois poétiques, politiques et sociales de ses productions. Alors qu’il est déjà inscrit dans une mouvance mondiale voulant que l’art se manifeste par la marche, il entreprend un cycle de 3 marches entre 1984 et 1987. La première, entreprise à la suite d’une invitation du symposium international de sculpture de Saint-Jean-Port-Joli, remonte l’itinéraire des premiers trappeurs le long de la rivière Hudson, à la manière d’un vaste projet identitaire. En 1985, la seconde, Marche transatlantique, s’opère du mur de Berlin jusqu’à Philadelphie et est commencée le jour de la commémoration du bombardement atomique d’Hiroshima. En 1987, la troisième, Cycle transculturel, constitue une étude sur la biologie, la sexualité et le corps, par le prisme du parcours identitaire et culturel de l’artiste qui, en traversant la France, l’Italie, Malte, la Tunisie, le Maroc et l’Espagne, en appelle à sa descendance italienne.

L’ensemble de son œuvre est aussi teinté d’un engagement politique et social, encourageant une réflexion active du public. En témoignent plusieurs de ses créations aux thèmes controversés : Forêt suspendue (1991), qui examine la problématique environnementale; Bain de soupe bain de sang (2003), qui formule un commentaire poignant sur l’invasion américaine en Irak; et Mari usque ad Mare / D’un trou d’eau à l’autre / Piss and Vinegar (7A*11D, 2018), qui exploite la symbolique complexe de l’eau pour tisser des liens entre les récits socio-économiques mondiaux et l’histoire coloniale.

À son retour au Québec, François Morelli poursuit l’élaboration de performances et d’installations qui remettent en question le concept d’œuvre d’art, le processus de création et sa réception. Parallèlement, il expose dans de nombreux musées et galeries à travers le monde, comme au Verksmidjan Art Center d’Hjalteyri en Islande avec Spennistöð/Powerhouse (2021) ou en France avec Home Wall Drawing, L’art de manger (2004). Son travail traite fréquemment de la relation entre la mémoire personnelle et la mémoire collective, ainsi que des notions de passage, de métamorphose et de cyclicité, comme l’illustrent Moon Walks (New York et Montréal, 2011), Le Somnambule et Rythme circadien, ses contributions à la Manif d’art de Québec (2024).

Figure notable de l’art contemporain, François Morelli continue de livrer et d’encourager l’analyse des processus de création, que ce soit par sa pratique ou l’enseignement, activités qu’il combine toujours aujourd’hui.

« Si mon travail et ma vie ont pu contribuer et éclairer un peu ce qu’on a été comme société, comme culture en arts visuels, alors je suis fier, je suis reconnaissant. Et il y a tellement d’autres personnes autour de moi de qui j’ai appris… »

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