Expositions de Kathryn Ruppert-Dazai et Justin Stephens, vernissage le samedi 23 février à 15 h suivi d’un concert de l’artiste japonais Mamoru à 17 h à la Galerie B-312

Kathryn Ruppert-Daza Pas vous
La galerie B-312 est heureuse d’accueillir dans sa grande salle Pas Vous, une exposition de Kathryn Ruppert-Dazai composée de huit tableaux grand format confectionnés au moyen de techniques issues du tissage, du tricot, du crochet, de la broderie et de la couture. Tout ce qui peut être tissé, tricoté, noué, crocheté ou cousu peut donc servir de matériau de base : laine, coton, nylon, mais aussi des matériaux moins courants récupérés ici et là, comme le carton, le papier, le plastique, le papier d’aluminium, du poil de chien ou même de l’or. Les oeuvres sont figuratives, elles représentent de petites scènes simples souvent réduites à la représentation d’un geste, et leur traitement rappelle le dessin d’enfant. Kathryn Ruppert-Dazai multiplie ainsi les oppositions : entre le champ de l’art et celui de l’artisanat, entre peinture et tapisserie, entre la complexité du mode de fabrication de ces images et le schématisme du dessin des figures représentées, entre la maîtrise nécessaire à l’élaboration de telles oeuvres et la spontanéité propre aux dessins d’enfant. Une chose résiste cependant à ce réseau quasi infini d’oppositions, un syncrétisme central : le corps des figures se confond avec la matière qui le représente. « To me, materials evoke emotions; gold references decadence, cardboard suggests banality while natural hair yarns provide something more honest and evocative, provoking an almost bodily response ».

Où l’artiste veut-elle en venir ainsi

À la représentation d’épisodes dont elle précise d’ailleurs qu’ils sont autobiographiques?
À l’évocation d’émotions, comme la peur, au moyen de ce que les linguistes appellent des « signes motivés » ?
À une mise en représentation du caractère arbitraire de la réduction des êtres et des choses à des catégories ?
Kathryn Ruppert-Dazai embarrasse le discours, résiste à sa tyrannie, sans heurts, délicatement, avec art, et ruse peut-être, sans cesse, avec patience, de maille en maille, de point en point, de nouage en nouage, au-delà des mots.
Jean-Émile Verdier

Justin Stephens Poor Peril

La galerie B-312 est heureuse d’accueillir dans sa petite salle Poor Peril, une exposition du peintre Justin Stephens. Nous n’y verrons pas de tableaux cependant, mais des masses informes en cire réalisées à force d’avoir laissé un nombre incalculable de bougies se consumer et fondre sur une petite plaque de bois d’abord, sur un amoncellement de cire ensuite ; des lacets de chaussure multicolores appuyés au mur, parce qu’ils tiennent miraculeusement droit ; des rouleaux de ruban-cache, qui a déjà servi ; des bouchons d’oreilles en mousse plantés dans le mur.

Pas besoin de savoir-faire particulier pour confectionner de tels objets. Mais combien d’heures pour qu’autant de bougies se consument ? Combien de tableaux peints pour constituer ces rouleaux de rubans gonflés de peinture ? Combien de patience pour insérer un fil métallique dans des lacets pour qu’ils puissent conserver la forme qu’on souhaite leur donner ?
Tout ce temps « perdu » à ne pas peindre.

Et si ce temps « perdu » était à perdre ? Justin Stephens faisant ce qu’il fait en attendant de peindre, ou le faisant à temps perdu, entre deux tableaux, comme s’il s’agissait de prendre l’empreinte de ce temps en trop. D’un autre côté, ce temps en excès, dont l’artiste dresse en quelque sorte des figures, est aussi le temps qu’il faut, le temps dont l’artiste a besoin, pour réaliser des figures du temps. Tout entre alors dans l’ordre : le temps en trop devient le temps qu’il faut pour représenter le temps, mais à condition d’apparaître comme du temps perdu.

C’est l’immense dossier de la forme que Justin Stephens se trouve à ouvrir alors.

« Donner une forme », n’est-ce pas la préoccupation première de l’artiste ? Se donne-t-elle d’elle-même comme dans ces blocs de cire ? Dépend-elle au contraire de la main qui la façonne comme dans ces lacets, qui, contre toute attente, auront la forme que l’artiste leur donnera ? Se déduit-elle d’une matrice, tels un moule ou un système de cache, comme l’évoque le ruban adhésif gonflé de peinture ? Ici, le rouleau retourne au rouleau. Est-ce dire qu’une forme est aussi l’expression, ou l’écho, d’une origine ? La forme suppose-t-elle une origine dont elle est induite ?
Cette fois, c’est le dossier, encore plus immense, de l’origine que Justin Stephens se trouve à ouvrir.

Vernissage suivi d’un concert à 17 h
Mamoru otozure narratives vol.2.3

Mamoru est un artiste sonore qui fait des installations et des performances. Il sculpte la matière sonore en temps réel à partir de sons électroniques et acoustiques extraits de guitares, cloches, voix et eau. Les sons sont capturés puis improvisés et transformés en direct en une variété d’échantillons et boucles. L’artiste s’inspire des lieux et des ambiances pour créer un paysage sonore subtil et délicat. La performance présentée à la Galerie B-312 fait partie de sa série Otozure.—En japonais, Otozure signifie « visite » : oto = son et zure = avec, amener le son = visiter. Le mot « son » contient l’idée du mouvement. Autrefois au Japon, les gens portaient de longues robes qui faisaient du bruit lors de leurs déplacements. L’histoire ancienne mentionne également que lors des cérémonies rituelles tenues dans le noir, les esprits manifestaient leur présence par des sons. Mamoru fera donc littéralement une performance otozure d’otozure, il nous rendra visite en amenant le son avec lui.—Mamoru approche ses performances comme une cérémonie de thé. Une expérience temporelle et spatiale. Il y a le temps de l’invitation, puis celui où chacun des protagonistes se prépare à la rencontre. Et enfin le moment de la rencontre où le temps est suspendu, chacun laisse sa vie derrière soi, et prend sa place dans le processus.—When every little things worked together, they finally enable themselves absorbed into the beauty.—Mamoru nous est présenté par Jérôme Fortin qui l’a rencontré lors d’une résidence au Japon en décembre 2007. De leur coup de foudre amical est née une volonté de partage et d’échange.

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