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Palimpsestes de Yvonne Lammerich
Quelques mots sur le corpus d’œuvres que vous voyez ici. Il est né de la conviction qu’un récit commence par la formation d’une croyance exprimée en deux questions connexes : Comment puis-je savoir où je suis si je ne sais pas où j’ai été ? Comment puis-je savoir où je vais si je ne sais pas où je suis ?
Le titre de l’exposition, Palimpsestes, adapte le concept de textes glissant ou se pliant les uns sur les autres, lui-même dérivé d’une recherche sur des manuscrits historiques réutilisés ou modifiés, mais portant encore des traces visibles d’une forme antérieure. Un exemple récent de son utilisation est offert par Sarah Dillon, disant de son œuvre à ce propos qui s’agit « d’une cohabitation de récits apparemment étrangers se pliant et se dépliant dans un dialogue […] un outil interprétatif qui produit du sens à travers des réseaux de connexité […]. »
À partir du tableau Now de 2019, suivi de Now/Then et Now/Extended en 2020, j’ai voulu construire une approximation de la complexité de notre expérience contemporaine dans laquelle des récits contradictoires sur des structures de croyance historiques et actuelles s’entrelacent pour produire une riche tapisserie de paradigmes variables et toujours en évolution. Dans ces tableaux où est employé un vocabulaire formel de lignes dans l’espace, plusieurs centres différents – certains dans le tableau, d’autres à l’extérieur – construisent des lignes axiales dont les intersections deviennent les formes qui délimitent des champs de constructions spatiales en chevauchement ; ces champs se plient les uns sur les autres pour décrire un réseau apparemment infini de connections entrecoupées où le pli cache aussi bien qu’il révèle la simultanéité de ces paradigmes.
Plus récemment, j’ai été curieuse de savoir comment je pourrais représenter les espaces multiculturels que nous occupons dans notre monde connecté qui contracte les séparations historiques et l’évolution de la conscience mondiale. J’ai décidé d’appliquer le concept de palimpseste à de nombreuses structures qu’on peut trouver dans les œuvres que j’ai choisies pour leur démonstration des principes qui émergent de la construction en perspective. Les conventions euro-centriques de la perspective à la Renaissance représentent la logique ou la croyance en une culture monothéiste, où le point d’infinité repose sur un seul dieu. Une autre vue, très différente, par exemple celle antérieure du monde romain avec ses multiples dieux et déesses, présente l’espace comme étant multivalent de manière équivalente, dans laquelle la perspective dépend de la position variable du regardeur au sein de cet espace de multiplicité. Dans ces œuvres plus récentes, je me suis intéressée à la construction d’une confluence de perspectives culturelles différentes telles qu’appliquées à un espace pictural. J’espère que ces espaces hybrides, y compris leurs sensibilités chromatiques, sont en résonance avec de l’expérience que nous avons du monde contemporain dans lequel nous vivons.
Yvonne Lammerich, 2022