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Échantillonner le réel de Raphaëlle Groulx-Julien et Tucker Kapp
Infusions
Raphaëlle Groulx-Julien
Dans ma pratique, j’interroge le rapport de l’image à sa matérialité, le lien entre la lecture abstraite du visuel et la nature concrète de l’objet. Pendant cette résidence, je voulais travailler sur l’idée de dissolution, la possibilité de déliter de la matière pour qu’elle se mêle à d’autres. Le projet a pris la forme d’une exploration de la représentation de feuilles de thé en train d’infuser. J’ai été interpellée d’abord par la géométrie végétale des feuilles, l’effet de profondeur de champs entre la surface sur laquelle flottait le thé et le fond de la tasse, les couleurs chaudes, la coloration progressive du liquide, le développement des feuilles et leur mouvement constant, les effets de bulles et de vapeurs. Au-delà du visuel, de la nature apaisante d’un paysage miniature, mes sens ont été stimulés par l’odeur agréable d’un liquide que j’allais pouvoir avaler. Ce sujet d’apparence simple souligne les limites du visuel dans l’appréhension sensorielle du monde. J’ai utilisé l’eau forte et l’aquatinte avec des rehauts d’aquarelle et de peinture à l’huile, ainsi que la gravure sur bois de bout, pour rendre diverses matérialités de différents thés, et souligner ainsi le caractère non définitif de l’image. Surtout, ces images demeurent iconographiques, perceptibles uniquement par le regard. Je les croise donc également avec la céramique : le fait de boire du thé dans des gobelets reprenant une image de ces infusions influence-t-il la consommation de l’image au mur?
L’écran est un écran
Tucker Frederick Kapp
Les choses que nous convoquons sur nos écrans, qu’il s’agisse de mots ou d’images, sont présentes dans une sorte d’absence. On a beau penser qu’elles sont là, elles sont ailleurs. Nous prenons ce que nous voyons sur nos écrans pour la réalité, écartant la question de la représentation en associant l’écran plutôt à une fenêtre qu’un voile. On y projette ce qui n’est pas là, la réalité de la chose représentée, en abstrayant ce qui est effectivement « là » : des pixels.
Pendant cette résidence, j’ai cherché à matérialiser et échantillonner les trames pixellaires de différents écrans ainsi que de creuser l’esthétique profonde de certains outils de l’écrit. J’avais beau penser les pixels carrés et homogènes: il n’en était rien. De formes diverses, de couleurs variables, chaque écran possède un micromonde qui résiste d’ordinaire à nos regards et à nos questionnements. Mais aussi, et surtout : il y a de l’espace entre les pixels, des endroits d’où n’émerge aucune lumière. Et encore : un texte noir sur blanc éteint les pixels, orientant l’œil au-delà de l’écran, derrière le voile.
Pour cette exposition, j’ai traduit ma recherche photographique digitale en une série de photogravures, augmentées par les techniques de l’aquatinte et de l’eau forte, par des impressions fantômes ou superposées, par l’impression typographique, l’installation vidéo, la performance et la sculpture.