Geneviève Thibault et Charles-Frédérick Ouellet
L’installation Corps habité de Geneviève Thibault est conçue d’abord et avant tout comme un cadeau aux Ursulines de Québec, proches collaboratrices de l’artiste depuis 2017. À ce moment, le déménagement de cette congrégation vers une résidence pour personnes âgées de Beauport avait été annoncé. Sentant l’urgence de documenter les lieux qui ont accueilli les religieuses depuis 375 ans, Thibault a contacté la mère supérieure des Ursulines afin d’initier un important projet documentaire alliant captations photographiques et sonores.
Quatre ans plus tard, après avoir traversé une période marquée par l’isolement social grandissant des ainé·es, Thibault reprend contact avec les religieuses pour leur offrir un regard sur les lieux où elles ont vécu durant des siècles, leur permettant de faire l’expérience, via des casques de réalité virtuelle, d’une reconstitution fidèle de leur chapelle.
Si l’œuvre de l’artiste entre en dialogue avec les pratiques photographiques issues du documentaire social réalisées au Québec dès les années 1960, ou encore avec les modes d’enquête des études matérielles, de l’ethnologie et de l’anthropologie sociale, elle est aussi nourrie par l’intérêt renouvelé pour les techniques d’immersion en art — notamment par l’usage de la réalité virtuelle, par la spatialisation sonore et par l’intégration d’éléments vibratoires au sein du dispositif d’exposition. Le projet de Thibault en vient à réfléchir la chapelle de l’ancien Monastère des Ursulines comme un espace immersif en soi; un lieu organisé selon des principes spirituels incarnés dans son architecture et sa décoration, auquel le public n’accède que par la réaction des religieuses qui le revoient, peut-être pour une dernière fois.
Coexistence
Charles-Frédérick Ouellet
Les images de cette série ont été réalisées là où l’eau devient profonde et les falaises commencent à s’élever, à l’embouchure du Fjord du Saguenay. À la fin de l’été, les Grandes Oies des neiges entament leurs migrations sur le couloir Atlantique. Elles feront une première escale sur les côtes du Nunavik puis reprendront leur route. Elles survoleront la forêt boréale d’un seul trait pour rejoindre la région du Saguenay / Sakinipi et du Lac Saint-Jean / Piekouagami. C’est à ce moment que nous nous rencontrons chaque année, aux abords de la pointe Agonie, à l’équinoxe d’automne. C’est un moment de premier contact avec les êtres humains pour celles qui sont nées au printemps, le début d’une longue migration où elles vont parcourir des territoires dominés par la présence de notre espèce.
Ce projet adresse de manière oblique les rapports de prédation, d’adaptation et de survivance qui s’opèrent entre nos deux mondes. Une interaction qui existe depuis des millénaires. À travers ces images, je propose de manière fragmentée, des situations énigmatiques qui révèlent un univers parallèle souvent invisible. Il traite des forces naturelles qui régissent notre monde, de leurs formes physiques qu’il est possible d’apercevoir durant un moment, lorsque nous sommes attentifs.