Chargement Évènements
  • Cet évènement est passé.

Bambitchell, Feyrer et Karikis

Vernissage le jeudi 14 novembre à 19h à Dazibao

Dans des univers colorés, voire déjantés, où tant les objets que les êtres semploient à personnifier des idées abstraites ou des concepts moraux difficiles à représenter, les œuvres ici réunies de Bambitchell, Julia Feyrer et Mikhail Karikis offrent une autre manière de dire le monde et font de l’allégorie une forme d’activisme.

Bambitchell
Special Works School était le code utilisé par le British War Office pendant la Première Guerre mondiale pour nommer un groupe d’artistes — peintres, artistes textiles, scénographes, designers, sculpteurs et peintres scéniques — chargés de développer des techniques de camouflage. Étonnamment, à une époque où la qualité d’un artiste se mesurait souvent à son habileté à rendre avec acuité le réel, les artistes réunis au sein de cette unité militaire travaillaient à faire disparaitre les choses. S’appropriant le nom de cette unité spéciale, l’œuvre de Bambitchell fait contrepoint au camouflage en offrant une mise en scène contemporaine équivalente de la surveillance pour questionner ce que cette esthétisation de la surveillance rend visible ou, inversement, invisible. Véritable expérience impliquant tous les sens, Special Works School propose une trajectoire historique de la surveillance qui défie cette idée qu’il s’agirait d’une intrusion essentiellement fondée sur le visuel.

Créée en collaboration avec l’artiste sonore Richy Carey de Glasgow, Special Works School propose une narration abstraite dans laquelle trois couleurs — sable, cyan et pourpre — abordent l’esthétique de la surveillance en dialoguant avec chacun des cinq sens. Le travail offre au visiteur une expérience multisensorielle et physique de l’état, des structures de pouvoir dominantes. Un chœur polyvocal complique cette narration, suggérant que la méthode ultime de surveillance serait de devenir invisible: la dissolution du soi.

Depuis 2009, sous l’appellation Bambitchell, Sharlene Bamboat (1984) et Alexis Mitchell (1983) collaborent à la réalisation de projets artistiques fondés sur la recherche qui visent à réimaginer diverses histoires nationalistes par un recyclage souvent ludique de documents d’états et d’archives institutionnelles. Mercer Union (Toronto), la Gallery TPW (Toronto), articule (Montréal), la Art Gallery of Windsor et Images Festival (Toronto) ont récemment présenté leurs travaux, de même que certains festivals tels que la Berlinale (Berlin) et le BFI London Film Festival. Bambitchell a été en résidence à l’Akademie Schloss Solitude (Stuttgart) et à la MacDowell Colony (New Hampshire). Leurs travaux font également partie de l’anthologie Contemporary Citizenship, Art, and Visual Culture publiée en 2017 par Routledge.

Julia Feyrer
La pratique de Julia Feyrer met l’accent sur la relation du corps avec différents médias et matériaux. Les œuvres se déploient sous la forme de films et de sculptures ou d’assemblages faits d’objets du quotidien. Bien que nombre de matériaux utilisés réfèrent ou même sont d’usage courant, leur présence s’affirme davantage par leur valeur potentiellement idiomatique que par leur valeur d’usage. Les œuvres ainsi réalisées ont quelque chose du vertige chimérique, d’un langage rêvé qui n’est pas sans invoquer l’inconscient lacanien. Feyrer associe souvent ses productions cinématographiques à ses sculptures en utilisant ses installations en galerie comme décors de ses films. Cette façon de travailler où une œuvre s’infiltre dans une autre contribue aux diverses connections et chevauchements entre ses projets.

Dans New Pedestrians, d’une part, des figurants occupent en silence les rôles de piétons ou de passants. En se promenant, ils tracent une voie banale mais instable. De petits gestes laissent supposer une émotion, parfois une certaine agitation ou une activité méditative. D’autre part, notre vision très anthropocentrique du monde est perturbée par l’interaction d’un corps avec de multiples objets détournés de leur fonction pour devenir protagonistes d’une fiction purement spéculative. Chaque pas anticipe le suivant, éclaire rétroactivement le précédent ou l’annule.

Julia Feyrer (1982) est cinéaste et artiste et vit sur les terres non cédées de Tsleil-Waututh, Skwxwú7mesh et Musqueam à Vancouver. Feyrer est diplômé.e du Städelschule de Francfort. POTTS (Los Angeles) a présenté une exposition individuelle de leur travail ainsi qu’à Vancouver le Western Front, la galerie Catriona Jeffries et Artspeak. La Vancouver Art Gallery, la Bonniers Konsthall (Stockholm), la Art Gallery of Alberta et la Presentation House Gallery (Vancouver) ont inclus de leurs œuvres dans des expositions collectives. Leur travail en collaboration avec Tamara Henderson, The Last Waves a été présenté à la Morris and Helen Belkin Art Gallery de la University of British Columbia, Consider the Belvedere au ICA Philadelphia et Bottles Under the Influence à la Walter Phillips Gallery (Banff). Julia Feyrer codirige l’audiozine Spoox et a signé plusieurs livres d’artistes publiés par Perro Verlag.

Mikhail Karikis
Depuis plus de dix ans, Mikhail Karikis explore l’impact des changements industriels et écologiques sur le travail et les structures sociales. Il développe ainsi des collaborations soutenues avec des communautés fragilisées par divers enjeux géographiques, socioéconomiques ou environnementaux pour ouvrir des espaces de dialogue qui créent de nouvelles formes de solidarité sociale. L’artiste s’est notamment intéressé à des groupes de femmes âgées en Corée du Sud qui pratiquent la pêche de fruits de mer et de perles, à la solidarité de travailleurs d’une usine de craies au Japon envers leurs collègues en situation d’handicap ou encore au lien inébranlable qui unit des travailleurs d’une mine de charbon et, dans un travail récent, à l’invisibilité du travail fait par les aides-soignants auprès de personnes non-verbales.

Le son occupe une place singulière dans le travail de Karikis. Faisant de l’écoute une forme d’activisme, il amplifie la voix de ceux que l’on ne voit ou n’entend que peu, ou pas. Fasciné par la puissance de la voix ou du bruit produit collectivement, il crée des œuvres explorant sous de multiples registres l’intensité qui nait du partage de valeurs communes ainsi que les notions de soulèvement et de démocratie au sein de microsociétés.

Mikhail Karikis (1975) est un artiste gréco-britannique vivant à Londres et à Lisbonne. Il a participé à plusieurs biennales, dont la 54e Biennale de Venise, Manifesta 9 (Genk), la 19e Biennale de Sydney, la Kochi-Muziris Biennale 2016 (Inde), la Seoul Mediacity Biennale en 2015. Des expositions personnelles récentes de son travail ont été présentées, entre autres, à la Whitechapel Gallery (Londres), au Mori Art Museum (Tokyo), à la Fondazione Sandretto Re Rebaudengo (Turin) et au Casino Luxembourg — Forum d’art Contemporain. Au Royaume-Uni, le Middlesbrough Institute of Modern Art (MIMA), le De La Warr Pavilion et la Tate St Ives lui consacrent actuellement des expositions solo. Il est en lice pour le Film London Jarman Award 2019.

Les trois œuvres réunies dans ce programme impliquent activement des communautés d’enfants et d’adolescents qui questionnent ce qui leur est légué comme récits technodystopiques, comme injustices écologiques ou héritage socioéconomique.

Children of Unquiet propose une reprise de possession par des enfants d’un village construit pour les travailleurs d’une centrale géothermique aujourd’hui automatisée.

Ain’t Got No Fear, dans une proposition qui défie l’autorité et la surveillance, témoigne de la vocation alternative donnée par des jeunes à une centrale électrique.

No Ordinary Protest, inspiré d’un livre de science-fiction pour enfants intitulé The Iron Woman, fait entendre la voix politique des enfants et laisse place à un activisme écoféministe imaginatif.

PROGRAMME

Children of Unquiet (2014) — Vidéo HD, son, 15 min. 36 sec.
Ain’t Got No Fear (2016) — Vidéo HD, son, 8 min. 56 sec.
No Ordinary Protest (2018) — Vidéo HD, son, 7 min. 48 sec.