En résidence au centre SAGAMIE, Josée Pellerin

Dans le jardin / elle fume tout en mangeant / des frites / regarde distraitement / son chien / qui court après sa queue / le vent du nord fripe / l’eau de la piscine

Heureusement qu’il y avait le monde autour de moi.

Les villes constituent des ensembles complexes et mouvants. Elles sont tout à la fois des sites de mémoire, de langage, de convoitise emplies de signes, de territoires d’échange et de communication. C’est ainsi que la déambulation quotidienne à travers ces parcours segmentés agit comme stimuli sur l’imaginaire de ceux qui les traversent. Espaces de circulation, de pérégrination, d’errance, la ville s’offre comme support d’histoires imperceptibles qui naissent, croissent puis s’étiolent lentement dans l’anonymat.

C’est dans cette perspective que je propose un corpus photographique où des allers-retours entre l’espace photographique et celui du texte sont exprimés dans la même image. Les mots alors choisis dépassent largement le statut habituel de légende et fonctionnent comme des instantanés, ” snapshots ” textuels narrés avec détachement, sans affect. Ce projet qui induit un travail simultané d’écriture à l’image, puise ses sources dans mes carnets de notes colligés au fil de voyages dans les villes d’ici et d’ailleurs. Il est question de micro récits rédigés lors d’arrêts ponctuels dans des espaces publics et qui relatent des situations singulières, inéluctables desseins qui s’entrechoquent lors de la fréquentation de ces lieux anonymes. Les mots se substituent alors à l’appareil photo, lesquels tenteront de saisir un ” instantané ” où les protagonistes, sorte d’antihéros du théâtre urbain, s’agitent dans leur fragile dignité. Des solitudes qui se côtoient dans l’indifférence provoquant de petits drames intimes, bulles éclatées discrètement dans le malstrom de la vie urbaine. Par l’appropriation de ces situations incongrues de “la vie qui va”, le double registre du visible et du lisible se conjugue en alternant poétique et documentaire. Cette juxtaposition du récit à la photographie s’articule comme une composante plastique en lien avec l’image et vient revisiter ses effets de représentation.

Ainsi font les déplacements de celui qui arpente physiquement la ville et s’adonne au vagabondage de l’esprit.

Josée Pellerin vit et travaille à Montréal où elle a complété une maîtrise en arts visuels ainsi qu’une formation en multimédia. Ses œuvres furent présentées lors de nombreux événements au Québec, au Canada, en France et au Mexique. Depuis plusieurs années, elle privilégie une approche qui interroge l’image dans ses différents modes de représentation. S’inspirant de la littérature, les permutations créées par cette approche hybride produisent des corrélations favorisant l’émergence d’un espace narratif. La séquence, le récit, le texte détourné, s’articulent comme points de résistance dans la réception de l’œuvre tout en créant un relais autre, une ouverture dans son interprétation. Récemment, on a pu voir son travail à la Galerie 101 à Ottawa dans une exposition qui s’intitulait Gagner des vertiges tout à son aise et à Montréal, à la galerie Sylviane Poirier Art Contemporain où elle présentait le corpus Une histoire à soi. En juin 2005, elle était en résidence d’artiste à Buenos Aires en Argentine où le présent projet a pris forme. Josée Pellerin enseigne à l’École des arts visuels et médiatiques de l’Université du Québec à Montréal.

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