Droit d’auteur: le débat parlementaire va commencer

Les faits en résumé

Le projet de loi C-32 intitulé Loi sur la modernisation du droit d’auteur, sera présenté en deuxième lecture à la Chambre des communes la semaine prochaine, soit le mardi 2 novembre. Le débat en deuxième lecture porte essentiellement sur les principes de la législation proposée aux Parlementaires. Exceptionnellement dans le cas de C-32, le gouvernement a obtenu l’accord des parties d’opposition pour limiter au minimum le débat en Chambre afin que le projet de loi soit envoyé le plus rapidement possible pour examen en comité.

Cela veut dire que vraisemblablement le 4 ou le 5 novembre prochains, C-32 sera envoyé en comité pour audition de témoins et pour une étude systématique article par article.  Comme ce projet de loi tombe à la fois sous la responsabilité conjointe des ministres du Patrimoine et l’Industrie, il a été décidé de procéder à la constitution d’un comité législatif composé de membres des Comité permanents du Patrimoine et de l’Industrie. La constitution de ce comité devrait prendre une dizaine de jours, ce qui veut dire que les audiences devraient commencer autour du 15 novembre prochain.

L’objectif premier de C-32 est de rendre la législation canadienne sur le droit d’auteur conforme aux dispositions du Traité de l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI) sur le droit d’auteur.  Déposé en Chambre le 2 juin dernier par le ministre de l’Industrie Tony Clement, le projet de loi semble maintenant être la préoccupation principalement de son autre parrain, James Moore, ministre du Patrimoine canadien.

Le gouvernement présente le projet de loi C-32 comme établissant un équilibre juste entre créateurs et utilisateurs. Cette opinion est loin d’être partagée par la communauté culturelle qui, tout en accueillant favorablement certains aspects de la législation, la caractérise plutôt de « projet de loi sur les droits des usagers » au dépens des artistes et des créateurs et d’attaque systématique contre le régime actuel de licence collective. Dans la communauté juridique, le Barreau du Québec a récemment publié une condamnation non équivoque du projet de loi dont il réclame le retrait (voir plus bas). Il est clair que le débat des prochaines semaines sera des plus animés!

La CCA publie un résumé des positions des principales parties au débat

Au cours des derniers mois, les associations et collectifs d’artistes, de créateurs, de producteurs, d’écrivains et de musiciens, ainsi que nombre d’autres parties intéressées au débat, ont identifié et commenté les articles qu’ils veulent voir amendés, ajoutés ou retirés du projet de loi.

Afin d’aider ses membres et le public à mieux comprendre les positions des divers protagonistes – et éventuellement préparer leur propre intervention dans le débat public – la CCA publie aujourd’hui un résumé des positions des différents intervenants du secteur culturel. On y fait état des quelques appuis et des nombreuses réserves exprimées à l’égard du projet de loi. Un autre document résume les positions du monde de l’éducation, un autre  passe en revue la notion d’utilisation équitable dans dix juridictions étrangères et finalement, un autre résume un article récent publié dans The Hill Times par le professeur Michael Geist de l’Université d’Ottawa.

Dans l’ensemble, les associations et collectifs reconnaissent d’emblée l’urgence de mettre à jour la législation canadienne sur le droit d’auteur. Mais toutes expriment de vives inquiétudes quant à l’impact que le projet de loi aura sur la capacité des artistes et créateurs de tirer du revenu de leur travail dans l’univers numérique s’il est adopté dans sa présente forme. Il existe un large consensus au sein de la communauté culturelle que si en bout de compte, cette capacité est affectée négativement par la loi, mieux vaut qu’elle ne soit pas adoptée et que la réforme soit encore remise à plus tard.

Les principales critiques à l’égard de C-32 portent sur les exceptions nombreuses et souvent mal définies que le projet de loi ajoute à celles déjà existantes à l’égard du droit d’auteur; sur les changements à la notion d’utilisation équitable, notamment au chapitre de l’enseignement; sur la légalisation du transfert de support sans aucune forme de rémunération pour les ayants droit; sur l’affaiblissement, sinon la destruction du régime actuel de licence collective; sur la politique de responsabilisation des fournisseurs de service internet, etc.  De plus, on souligne que l’ajout d’exemptions et le recours à un langage vague ne peuvent que mener à un interminable processus de poursuites devant les tribunaux – une démarche que bien peu d’artistes et de créateurs sont en mesure d’entreprendre.

Ce dernier point est d’ailleurs repris par le Barreau du Québec qui est intervenu dans le débat récemment par le biais d’une lettre ouverte aux ministres Moore et Clement. Le Barreau se livre à une critique musclée dans laquelle il détaille les failles du projet de loi C-32 et en réclame le retrait. Selon le Barreau,

  •  C-32 ne respecte pas les obligations internationales du Canada entre autres parce qu’il ne respecte pas le test des trois étapes avant d’accorder une exemption sans rémunération aux détenteurs de droit ;
  • Il soulève des problèmes de cohérence avec d’autres textes juridiques provinciaux et est ambigüe quant à la responsabilité des fournisseurs de service internet ;
  • Il introduit plusieurs incertitudes juridiques et encourage le recours aux tribunaux;  
  • Il crée des exceptions qui dépendent de conditions irréalistes et impossibles à vérifier;
  • Il introduit un concept dangereusement flou en ajoutant le mot éducation au chapitre de l’utilisation équitable (selon le Barreau, « de nombreux litiges sont à prévoir avec le libellé du projet de loi » ;
  • Il nie l’exercice de gestion collective du droit d’auteur actuellement en place et préconise l’approche de recours judiciaires individuels « recours souvent non praticables et irréalistes dans le contexte de la diffusion de masse »;
  • Il retire aux ayants droit la rémunération pour leur travail et ce faisant, il brise l’équilibre entre les créateurs et les utilisateurs, ce qui est pourtant être l’objectif premier de la loi.

Une vingtaine de représentants du secteur culturel, dont la CCA, ont récemment rencontré des membres du Parti Libéral et du Parti néo-démocrate pour leur présenter un consensus sur un certains nombre d’aspects fondamentaux de la loi. Ce consensus a été résumé dans un document préparé par l’Alliance of Canadian Cinema, Television and Radio Artists (ACTRA). Des rencontres similaires devraient avoir lieu sous peu avec le parti gouvernemental et avec le Bloc Québécois.

Au cœur du message présenté par cette coalition du secteur culturel : l’accroissement d’exceptions souvent mal définies, le refus d’étendre le régime actuel de la copie privée aux nouvelles technologies, de renforcer le système de gestion collective du droit d’auteur ou de créer d’autres façons d’à la fois assurer aux Canadiens un accès facile aux œuvres tout en assurant une rémunération équitable pour les créateurs, tout cela va mener à la disparition de plusieurs industries de créativité. 

Pour en savoir davantage sur le processus législatif et pourquoi c’est important

Le projet de loi C-32 sur le droit d’auteur  a été présenté en première lecture à la Chambre des communes le 2 juin 2010. C’est un document de 65 pages qui fait référence à divers articles de l’actuelle loi qu’il propose d’amender.

 

L’étape de la deuxième lecture consiste en un débat en Chambre durant lequel les 304 députés ont un droit de parole d’au moins 10 minutes durant lequel ils commentent les principes sous-jacents au projet de loi débattu. Comme on l’a mentionné ci-haut, le gouvernement a pu convaincre les partis d’opposition de tenir un débat minimal qui ne devrait pas durer plus d’un jour ou deux. En principe, le projet de loi pourrait être défait au cours du vote qui suit ce débat, dans lequel cas il meurt et le gouvernement ne peut présenter au cours de la même Législature ou même Parlement. Dans le cas qui nous occupe, il est déjà acquis que C-32 va être adopté en deuxième lecture et envoyé en comité.  

 

Une fois les audiences des témoins terminées, chacun des membres du comité peut proposer des amendements qui doivent à leur tour être débattus et votés. Mais tous les amendements ne sont pas admissibles. Ne le sont que ceux qui sont conformes aux intentions de la loi et reliés à ce qui se trouve déjà dans le texte. Il n’est pas possible pour l’opposition de proposer de nouveaux articles. Également exclu, tout amendement qui engage des fonds publics.

 

Une fois les amendements votés un par un, le Comité achemine son rapport à la Chambre pour la troisième et dernière lecture. Dépendant des résultats de l’étude en comité et du contexte politique du débat, C-32 pourrait être défait à cette étape ultime, à condition que les trois partis d’opposition fassent front commun. Un autre scénario, advenant que les travaux du comité s’éternisent, voudrait que le projet de loi meure au Feuilleton si, comme le veut la sagesse populaire courante, on doit prévoir une élection après la présentation du prochain budget.

 

Que puis-je faire?

Lire les divers documents mis à votre disposition par la CCA concernant C-32 afin de bien comprendre les préoccupations du secteur culturel. Si possible, faire en sorte que vous ou votre organisme demande à comparaître devant le Comité législatif (la CCA vous avisera de comment le faire dès que le comité sera sur pied et que le Greffier aura été nommé). Au minimum, contacter votre député(e) pour faire part de vos positions concernant le projet de loi. Pour savoir comment contacter votre représentant(e), cliquez ici.

 

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