Down the Rabbit Hole, de l’autre côté Du miroir, vernissage le vendredi 26 août à 19h à La Centrale

Présentation d’artistes dimanche, 28 août, 15h

Parcourant la pratique artistique de plusieurs des membres de La Centrale, l’exposition invite à découvrir un éventail d’œuvres portant sur l’enfance ainsi que sur les rites de passage vers l’âge adulte et ses responsabilités. Traitant aussi bien du merveilleux que du désenchantement, les œuvres suscitent une remise en question des symboles liés à la jeunesse, à la construction dite ‘naturelle’ des genres, des identités et des normes. Quelques œuvres sont imprégnées d’ironie, parfois amusantes, parfois violentes, d’autres abordent même le concept de fatalité afin de démontrer le caractère chimérique et pernicieux de certaines de ces représentations.

Réinvestissant le terrain sans limite ni contrainte de l’imaginaire enfantin, quelques œuvres racontent des histoires et entraînent le spectateur dans des récits fantastiques jouant sur la marge entre discours critique et hallucination. Ainsi, l’association d’images de Claire Dumoulin propose une narration fictionnelle, où les affaissements de sol de Charlesbourg pourraient être expliqués par le fait qu’il s’agirait d’immenses terriers creusés par des animaux de peluche. Dans un autre ordre d’idées, les aquarelles de Julie Lequin évoquent le moment où, beaucoup plus jeune, elle avait effectué le recensement de tous les produits de consommation qui se trouvaient chez elle et qui possédaient le logo des fournisseurs de la famille royale britannique afin de se lier, en quelque sorte, à la Reine. Quant à Cynthia Shelly Ungar, elle représente cette figure du pouvoir monarchique, Elizabeth II, dans un style Pop Art qui rappelle son statut d’icône populaire. Finalement, Nadia Nadège nous propose de devenir narratrices : ses poupées sans visage attendent que nous leur racontions leur histoire, par le moyen de billets qu’il est possible de compléter, d’échanger et d’insérer dans leurs poches.

D’autres pièces présentées proposent un regard critique sur l’institution du couple hétérosexuel monogame, parfois en liant cette idéologie aux contes qui participent à son apologie et sa célébration. Les photographies d’Helena Martin Franco foisonnent d’éléments hétéroclites qui, mis en dialogue avec sa sculpture Porte Bonheur, construisent une narration autour des thématiques de l’amour, du conte de fée et de l’institution du mariage. Ce couple modèle se trouve à la fois glorifié et parodié dans la vidéo d’Eugénie Cliche, qui expose le mythe du couple amoureux en représentant et codifiant les étapes de sa relation.

La photographie d’Anne Parisien expose également le couple, cette fois dans une approche davantage réaliste et non plus idéalisée. Les dimensions imposantes de l’œuvre ainsi que l’habillement du couple contribuent à créer un inconfort auprès du public qui se trouve intensifié par la pose classique du couple photographié, présentant une dualité entre les sphères intime et publique. Virginie Jourdain propose une photographie qui offre un certain décalage avec les précédentes œuvres énumérées, en cela qu’elle questionne l’hétéronormativité de ce couple idéal. En effet, les fragments de corps du couple qui y est présenté ne permettent pas d’identifier le genre des protagonistes, malgré le fait que cette relation intime se trouve exhibée, quoique cachée également, sous différents angles par un jeu de miroir.

Cette norme hétérocentrée du couple, tout comme celle de la «femme» douce et vertueuse, se trouve notamment inculquée aux enfants par l’intermédiaire de contes, mais également par les doctrines religieuses et morales guidant les femmes vers un certain idéal de dévotion. Michelle Lacombe, à travers sa performance, expose certains symboles liés à la figure de la femme vertueuse dans la religion catholique, en en pervertissant la portée par le détournement du mythe de l’extase de Sainte-Thérèse.

D’autres œuvres questionnent le rôle de mère et la notion de noyau familial, sa structure et son fonctionnement, en traitant de la division sexuelle du travail et des tâches ménagères, par exemple. Alors que quelques-unes portent un propos satirique et critique, Jennifer Schuler opte plutôt pour une approche ludique, voire éthérée, afin de questionner les gestes de rituels domestiques dans une performance qui se réapproprie l’expression « poussière de fée » et ne manque pas d’évoquer la figure de Cendrillon. L’œuvre de Kathryn Delaney traite des mêmes thématiques, mais dans une optique davantage sarcastique : elle a décidé de photographier son évier rempli de vaisselle sale afin de documenter cet acte domestique répétitif, en réponse à sa maisonnée qui semblait croire que cette tâche était exécutée par une petite fée. Finalement, Myriam Jacob-Allard, à travers sa vidéo, transforme en complainte/berceuse une chanson country de Marie King qui traite des difficultés à conjuguer les rôles de mère et de femme de carrière.

Certaines artistes se réapproprient des symboles et souvenirs d’enfance pour tenir un commentaire social critique. Ainsi, Mihee-Nathalie Lemoine interprète un des mythes de sa jeunesse, celui des peaux-rouges, en explorant les caractéristiques communes des autochtones et des asiatiques face aux effets de l’alcool sur la pigmentation de l’épiderme. Le projet, à première vue ludique, contient néanmoins un propos sociétal subversif sur la perception de la différence ethnique et des stéréotypes. Quant à Martine Birobent, sa sculpture qui intègre une vidéo laisse voir l’artiste ainsi que des poupées muselées, questionnant entre autres les thèmes du droit à la parole chez les femmes ainsi que celui du droit au contrôle de leur corps. La vidéo de Noémi McComber laisse voir une femme qui subit, impassible, la projection violente de déchets ménagers en sa direction. La transformation de l’arrière-plan, d’abord immaculé pour prendre ensuite des allures de dripping, va de pair avec celle de la protagoniste qui devient de plus en plus méconnaissable, dans une forme de «food fight» à sens unique dont on aurait extraite toute notion d’amusement. Dans sa vidéo So… When Did You Figure Out That You Had AIDS ?, Vincent Chevalier expose plutôt, à la manière d’une archive, le regard d’enfants sur ce rétrovirus, nourri des préjugés et de la désinformation véhiculées par les médias à l’époque. Finalement, Virginie Jourdain propose une performance qui interroge la probabilité d’une future appropriation marketing et pharmaceutique de la procédure du changement de genre. Pour l’occasion, elle invite le public à faire tout comme Alice, c’est-à-dire expérimenter une boisson qui aura potentiellement un effet sur le corps physique, puisque comprenant un faible dosage de testostérone synthétique.

Cette exposition collective organisée par La Centrale ne prétend à aucune représentation exhaustive de la production de ses membres actives, mais en présente plutôt un fragment, relié par certaines préoccupations, approches et thématiques qui les animent. Nous vous invitons à consulter le site Internet de la galerie afin d’obtenir une représentation davantage complète du travail de ses membres.

 

COMMISSAIRE : GENEVIÈVE LAFLEUR, montréal
MARTINE BIROBENT
VINCENT CHEVALIER
EUGÉNIE CLICHE
KATHRYN DELANEY
CLAIRE DUMOULIN
MYRIAM JACOB-ALLARD
VIRGINIE JOURDAIN
MICHELLE LACOMBE
MIHEE-NATHALIE LEMOINE
JULIE LEQUIN
HELENA MARTIN FRANCO
NOÉMI MCCOMBER
NADIA NADÈGE
ANNE PARISIEN
JENNIFER SCHULER
CYNTHIA SHELLY UNGAR
Abonnez-vous au bulletin du Réseau art Actuel