Les éléments du quotidien sont captivants. Ils sont si usuels qu’on en oublie leur forme, leur texture et leur complexité. Il en va de même pour ces images et ces idées qui circulent dans l’imaginaire commun. L’usage de l’un et la référence de l’autre sont si culturellement fixés que la simple suggestion d’en détourner le sens apparait séduisante. Le résultat devient alors prétexte à des réflexions sur la temporalité et le mouvement.
Les bulles de savon ont quelque chose de fascinant à constamment se mouvoir en dépit du précaire équilibre entre la légèreté de leur flottement et la violence de leur inéluctable éclatement. D’immenses bulles de savon évoluent sensuellement et silencieusement à travers l’espace d’exposition. La projection toute en nuances sur ces gigantesques boules complète à merveille l’illusion. Les couleurs ondulant parfois entre le mauve, le vert, le bleu et le jaune sont une invitation à une lente et paisible contemplation.
Or, le titre Au suivant fait-il appel à la paresseuse procession de bulles ou renvoie-t-il au prochain éclatement qui surviendra d’ici peu? Par l’intrusion d’un obstacle sur son passage ou d’une subtile modulation de l’air, l’équilibre est irréversiblement rompu. De cette petite et fracassante mort, il ne reste plus que cette trace ronde et savonneuse au plancher. En moins d’un instant, ce qui était léger et gracieux est désormais huileux et souillé.
Née d’un penchant pour ces objets dualistes confrontant l’organique et le mécanique, Méandres est une série de fermetures à glissière géantes composées de dents aux formes et aux grosseurs variées. Malgré le froid mécanisme évoqué, la finesse des détails témoigne d’une stratégie différente et l’oppose à des ondulations sensuelles : son impulsion torsadée suggère une séduction tout animale ou rappelle une chaine d’ADN. On peut certainement voir dans les cassures et les torsions des glissières une réflexion autour des matériaux et de leurs propriétés, une expérience entre leurs divers agencements, certains s’avérant plus heureux que d’autres. Peut-on aussi voir dans ces défauts un parallèle avec les cicatrices des aléas, des choix et des décisions qui se présentent au cours d’une vie? Onde sinueuse de toute pensée, Méandres se propose comme vestige du passé garant de l’avenir.
François-Matthieu Bouchard est un artiste qui vit et travaille au Québec. Titulaire d’un baccalauréat en arts visuels de l’Université du Québec à Montréal, il prépare diverses expositions solos, notamment pour le Harcourt House Artist Run Centre, en Alberta. Outre les nombreuses expositions collectives auxquelles il a participé depuis 2011, il a remporté plusieurs prix d’excellence, dont une bourse de la Fondation McAbbie et a été candidat au concours BMO res Œuvres 2013.
Conception sonore Olivier Pépin