Depuis quelques jours, nous assistons à un tourbillon médiatique autour de la recréation de la Croix du mont Royal, de l’artiste Pierre Ayot, œuvre créée en 1976. Nous entendons plusieurs choses fausses à ce sujet. Résumons la situation.
En 1976, l’œuvre, à peine achevée, fut tout de suite démolie en même temps que toutes les autres œuvres de l’exposition Corridart, l’exposition-phare des Jeux Olympiques de Montréal. Réplique de la croix posée sur le mont Royal, celle-ci reposait sur son flanc.
Dans le cadre d’une rétrospective majeure sur Pierre Ayot tenue dans plusieurs lieux à Montréal, Nicolas Mavrikakis, commissaire et critique d’art, a souhaité réactualiser cette œuvre, dont tout le monde a entendu parler, mais que personne n’a vue. C’est sans hésitation que Marthe Carrier et la Galerie B-312 se sont associés à ce projet.
En tant que commissaires, nous nous sommes attardés aux différents enjeux que posait cette recréation. Le choix de l’emplacement retenu a été fait de manière réfléchie et cohérente avec l’esprit de l’œuvre. Pour respecter la vision de l’artiste, cette œuvre historique et mythique d’Ayot, projet unique et spécifique, doit être absolument installée aux abords de la montagne, dont elle tire son nom. Comme le voulait Ayot, la croix semblerait être venue se reposer quelques moments en bas de la montagne… La démarche d’Ayot était proche du pop art, mouvement qui citait des images connues de tous pour les réutiliser dans un contexte différent.
Cette œuvre placée devant des bâtiments dont l’avenir est incertain, après plusieurs centaines d’années d’usage, prend bien sûr un sens supplémentaire. Que devons-nous faire de notre héritage culturel, patrimonial et religieux ? Avec cette recréation de l’œuvre d’Ayot, nous avons voulu permettre aux citoyens de réfléchir à cette question importante.
Nous avons alors entrepris toutes les démarches nécessaires à la réalisation du projet. Nous avons obtenu l’appui du Bureau d’art public qui y contribue pour 10 000 $. Nous avons reçu l’appui du Conseil des arts de Montréal, qui, à la suite d’une évaluation de professionnels, a approuvé le projet : « Les membres du comité d’évaluation en arts visuels ont été enthousiasmés par cette magnifique initiative qui vient rendre hommage à Pierre Ayot et à Denis Forcier. […] En effet, ce projet vient rappeler avec éclat un moment historique des arts visuels à Montréal en s’inscrivant dans une continuité esthétique léguée par une génération de créateurs et de témoins privilégiés de l’affaire Corridart. Les membres du comité croient dans la réactualisation de cet événement en périphérie de la rétrospective qui sera d’ailleurs consacrée à la figure tutélaire de Pierre Ayot. »
L’arrondissement du Plateau-Mont-Royal s’est associé à ce projet avec empressement et diligence, s’assurant que notre projet rencontre toutes les exigences d’une installation provisoire d’une œuvre d’art dans l’espace public. Le Ministère de la Culture et des Communications a émis une autorisation en vertu de l’article 64 de la loi sur le patrimoine culturel quant à l’« installation temporaire d’une œuvre d’art dans le parc Jeanne-Mance, aux abords du mur des Hospitalières sur l’avenue des Pins au coin de l’avenue du Parc […]. » Dès lors, le permis requis pour l’occupation temporaire des lieux pouvait nous être acheminé par l’arrondissement du Plateau.
Nous sommes donc totalement en règle, rencontrant toutes les normes légales de la Ville de Montréal pour une telle occupation.
Le mardi 13 septembre, nous avons contacté le Bureau d’art public pour confirmer le début des travaux le mardi 20 septembre. C’est seulement alors que nous avons appris qu’il y avait peut- être un problème. On nous a invité à communiquer avec la nouvelle directrice, Mme Picard. Celle-ci sembla étonnée de l’existence de notre projet et promit de nous rappeler dans les heures qui suivaient. Le vendredi 16 septembre, après plusieurs appels laissés sans retour, à quelques jours du début des travaux, nous avons décidé d’écrire à sa supérieure, Mme Gina Tremblay, pour savoir ce qui se passait. Ce fut Mme Gagnon, direction générale adjointe, qualité de vie, qui nous convoqua, ainsi que deux représentantes du Plateau-Mont-Royal, à la mairie en fin de journée. Elle nous mentionna que l’entente de 10 000 $ promis par le Bureau demeurait introuvable, alors que de notre côté, nous avons des courriels le confirmant. Elle nous a demandé de participer à un programme de « médiation » en amont, sans assurance qu’en entreprenant un tel processus, notre projet pourrait être réalisé. Une nouvelle étape s’ajoutait subitement. Pour ce processus, aucune date finale n’était mentionnée. Soudainement, on nous demandait de rencontrer l’Archevêché et les Sœurs Hospitalières, entre autres. Que se passerait-il si ceux-ci n’entérinaient pas le projet ? Nous ne reçûmes aucune réponse… Depuis, ces derniers jours, on nous propose de nouveaux lieux, comme la place Émilie-Gamelin, lieu idéal pour la Ville, car il est dans le Quartier des spectacles… On évoque d’autres lieux, d’une manière improvisée, sans que nous sachions vraiment s’ils rencontrent les normes. Soudainement, si nous acceptions de nous plier à ces nouvelles propositions et exigences, il n’y avait plus de problèmes d’argent.
Il nous faudrait en quelques heures tout revoir, sans trop prêter de considération à l’intégrité de l’œuvre, La croix du mont Royal.
Notre confiance en la Ville centre est minée.
Nous nous trouvons dans une controverse remettant en cause notre travail alors que nous avons respecté toutes les étapes nécessaires à la réalisation de l’œuvre.
Quels processus les artistes et commissaires devront-ils suivre dans le futur, si, au dernier moment, dans la panique, une administration met en place un nouveau palier de validation, avec un « comité surprise » dont les pouvoirs et obligations sont inconnus ?
Nous avons en main le permis pour installer l’œuvre sur le terrain dans le Parc Jeanne-Mance. Nous comptons aller de l’avant avec notre projet. Nous rappelons que nous occupons l’espace public sur une base temporaire et que nous respectons toutes les exigences d’une telle occupation, distinctes de celle d’une occupation permanente.
Nous sommes attristés que les Religieuses Hospitalières soient ainsi plongées dans ce tourbillon alors que notre but était, sincèrement et respectueusement, de faire réfléchir à la nécessité de protéger leur patrimoine, qui est aussi le nôtre.
Afin de répondre à vos questions, nous vous convions à une conférence de presse, le lundi 26 septembre, à 14h, à la Galerie B-312.
Par Marthe Carrier et Nicolas Mavrikakis
Depuis quelques jours, nous assistons à un tourbillon médiatique autour de la recréation de la Croix du mont Royal, de l’artiste Pierre Ayot, œuvre créée en 1976. Nous entendons plusieurs choses fausses à ce sujet. Résumons la situation.
En 1976, l’œuvre, à peine achevée, fut tout de suite démolie en même temps que toutes les autres œuvres de l’exposition Corridart, l’exposition-phare des Jeux Olympiques de Montréal. Réplique de la croix posée sur le mont Royal, celle-ci reposait sur son flanc.
Dans le cadre d’une rétrospective majeure sur Pierre Ayot tenue dans plusieurs lieux à Montréal, Nicolas Mavrikakis, commissaire et critique d’art, a souhaité réactualiser cette œuvre, dont tout le monde a entendu parler, mais que personne n’a vue. C’est sans hésitation que Marthe Carrier et la Galerie B-312 se sont associés à ce projet.
En tant que commissaires, nous nous sommes attardés aux différents enjeux que posait cette recréation. Le choix de l’emplacement retenu a été fait de manière réfléchie et cohérente avec l’esprit de l’œuvre. Pour respecter la vision de l’artiste, cette œuvre historique et mythique d’Ayot, projet unique et spécifique, doit être absolument installée aux abords de la montagne, dont elle tire son nom. Comme le voulait Ayot, la croix semblerait être venue se reposer quelques moments en bas de la montagne… La démarche d’Ayot était proche du pop art, mouvement qui citait des images connues de tous pour les réutiliser dans un contexte différent.
Cette œuvre placée devant des bâtiments dont l’avenir est incertain, après plusieurs centaines d’années d’usage, prend bien sûr un sens supplémentaire. Que devons-nous faire de notre héritage culturel, patrimonial et religieux ? Avec cette recréation de l’œuvre d’Ayot, nous avons voulu permettre aux citoyens de réfléchir à cette question importante.
Nous avons alors entrepris toutes les démarches nécessaires à la réalisation du projet. Nous avons obtenu l’appui du Bureau d’art public qui y contribue pour 10 000 $. Nous avons reçu l’appui du Conseil des arts de Montréal, qui, à la suite d’une évaluation de professionnels, a approuvé le projet : « Les membres du comité d’évaluation en arts visuels ont été enthousiasmés par cette magnifique initiative qui vient rendre hommage à Pierre Ayot et à Denis Forcier. […] En effet, ce projet vient rappeler avec éclat un moment historique des arts visuels à Montréal en s’inscrivant dans une continuité esthétique léguée par une génération de créateurs et de témoins privilégiés de l’affaire Corridart. Les membres du comité croient dans la réactualisation de cet événement en périphérie de la rétrospective qui sera d’ailleurs consacrée à la figure tutélaire de Pierre Ayot. »
L’arrondissement du Plateau-Mont-Royal s’est associé à ce projet avec empressement et diligence, s’assurant que notre projet rencontre toutes les exigences d’une installation provisoire d’une œuvre d’art dans l’espace public. Le Ministère de la Culture et des Communications a émis une autorisation en vertu de l’article 64 de la loi sur le patrimoine culturel quant à l’« installation temporaire d’une œuvre d’art dans le parc Jeanne-Mance, aux abords du mur des Hospitalières sur l’avenue des Pins au coin de l’avenue du Parc […]. » Dès lors, le permis requis pour l’occupation temporaire des lieux pouvait nous être acheminé par l’arrondissement du Plateau.
Nous sommes donc totalement en règle, rencontrant toutes les normes légales de la Ville de Montréal pour une telle occupation.
Le mardi 13 septembre, nous avons contacté le Bureau d’art public pour confirmer le début des travaux le mardi 20 septembre. C’est seulement alors que nous avons appris qu’il y avait peut- être un problème. On nous a invité à communiquer avec la nouvelle directrice, Mme Picard. Celle-ci sembla étonnée de l’existence de notre projet et promit de nous rappeler dans les heures qui suivaient. Le vendredi 16 septembre, après plusieurs appels laissés sans retour, à quelques jours du début des travaux, nous avons décidé d’écrire à sa supérieure, Mme Gina Tremblay, pour savoir ce qui se passait. Ce fut Mme Gagnon, direction générale adjointe, qualité de vie, qui nous convoqua, ainsi que deux représentantes du Plateau-Mont-Royal, à la mairie en fin de journée. Elle nous mentionna que l’entente de 10 000 $ promis par le Bureau demeurait introuvable, alors que de notre côté, nous avons des courriels le confirmant. Elle nous a demandé de participer à un programme de « médiation » en amont, sans assurance qu’en entreprenant un tel processus, notre projet pourrait être réalisé. Une nouvelle étape s’ajoutait subitement. Pour ce processus, aucune date finale n’était mentionnée. Soudainement, on nous demandait de rencontrer l’Archevêché et les Sœurs Hospitalières, entre autres. Que se passerait-il si ceux-ci n’entérinaient pas le projet ? Nous ne reçûmes aucune réponse… Depuis, ces derniers jours, on nous propose de nouveaux lieux, comme la place Émilie-Gamelin, lieu idéal pour la Ville, car il est dans le Quartier des spectacles… On évoque d’autres lieux, d’une manière improvisée, sans que nous sachions vraiment s’ils rencontrent les normes. Soudainement, si nous acceptions de nous plier à ces nouvelles propositions et exigences, il n’y avait plus de problèmes d’argent.
Il nous faudrait en quelques heures tout revoir, sans trop prêter de considération à l’intégrité de l’œuvre, La croix du mont Royal.
Notre confiance en la Ville centre est minée.
Nous nous trouvons dans une controverse remettant en cause notre travail alors que nous avons respecté toutes les étapes nécessaires à la réalisation de l’œuvre.
Quels processus les artistes et commissaires devront-ils suivre dans le futur, si, au dernier moment, dans la panique, une administration met en place un nouveau palier de validation, avec un « comité surprise » dont les pouvoirs et obligations sont inconnus ?
Nous avons en main le permis pour installer l’œuvre sur le terrain dans le Parc Jeanne-Mance. Nous comptons aller de l’avant avec notre projet. Nous rappelons que nous occupons l’espace public sur une base temporaire et que nous respectons toutes les exigences d’une telle occupation, distinctes de celle d’une occupation permanente.
Nous sommes attristés que les Religieuses Hospitalières soient ainsi plongées dans ce tourbillon alors que notre but était, sincèrement et respectueusement, de faire réfléchir à la nécessité de protéger leur patrimoine, qui est aussi le nôtre.
Afin de répondre à vos questions, nous vous convions à une conférence de presse, le lundi 26 septembre, à 14h, à la Galerie B-312.
Par Marthe Carrier et Nicolas Mavrikakis
Montréal (Québec) H3B 1A2