Chronique d’un voyage de reconnaissance (suite)

Chronique du 18 février

Stockholm et le Supermarket 08

Le Supermarket a débuté le jeudi 14 février pour se terminer le dimanche 17 février. Entre ces deux dates, nous aurons fait connaissance avec la quarantaine d’exposants provenant surtout de Suède et de Stockholm, mais également de Norvège, du Danemark, de Pologne, d’Ukraine, d’Allemagne, d’Angleterre, de New York et bien entendu de Montréal puisque le RCAAQ y disposait d’un kiosque au même titre que les autres exposants. Nous avons occupé cet espace avec une proclamation: “Bienvenue à Montréal en 2012! Welcome to Montréal in 2012! Ce qui laissait perplexes plusieurs des visiteurs de la foire, mais qui était une bonne occasion d’expliquer cette surprenante invitation. Nous y avons ajouté une oeuvre provenant d’une collection personnelle – en l’occurrence celle de Bastien Gilbert – soit un DVD de Gwenaël Bélanger de 23 secondes (Best of 2007), posée sur un socle blanc (voir photos). Seuls éléments de notre espace, à part nos paletots qu’il fallait toujours avoir sous la main, vu le froid constant qui nous assaillait puisque nous étions placés à l’entrée. Voisin d’ailleurs de quelques associations, dont KRO www.kro.se , acronyme pour Konstnärernas Riksorganisation (the Swedish Artist’s National Organisation), comptant plus de trois mille membres et éditeur d’une fort belle revue, Konstnären (The Artist). Nous avons également voisiné la NKF (Nordic Art Association Sweden) qui, en réalité, chapeaute les artisans des métiers d’art des pays nordiques ; nous étions face au chapitre de Suède. Un de leurs organisateurs, Peter Hellsing, a réalisé un intéressant site Internet www.nkf.se , très simple, mais qui pointe sur les centres d’artistes des pays nordiques, les résidences et autres réseaux. Son modèle : le Répertoire des centres d’artistes qu’il a découvert à Montréal, lorsqu’il est venu suivre un cours à l’été 2007 au Centre des textiles contemporains de Montréal. Oublions pour le moment le Sculptor’s Guild de New York qui ne se signalait pas particulièrement par la qualité de ses démonstrations…

L’intérêt de l’association KRO vient aussi du fait qu’elle fait partie d’une association parapluie, nommée KLYS, www.klys.se/english.htm , en anglais the Swedish Joint Committee for Artistic and Literary Professionals, qui regroupe dix-huit associations et 40 000 artistes, artisans, écrivains et autres travailleurs culturels. À la différence du Mouvement pour les arts et les lettres ou d’aucune de nos associations parapluie, comme la Coalition canadienne pour les arts par exemple, cette association a un membership qui couvre autant les industries culturelles que les secteurs sans but lucratif des arts et des lettres. Dans cet extraordinaire état providence suédois – modèle que nous cherchons tous à atteindre ! – le KLYS occupe une position éminente et efficiente dans une société où la place de chacun est soigneusement reconnue. Il ne nous fut pas possible malheureusement de les rencontrer : toute l’équipe était devant la Cour supême de Suède pour y défendre une cause étonnante qui a été présentée devant divers tribunaux depuis 2006 et qui a toujours été gagnante, celle de deux réalisateurs de films suédois qui poursuivent une chaîne de télévision, TV4, pour atteinte aux droits moraux, parce qu’on interrompt leurs films lors des présentations par de la publicité ! Une cause à suivre de près et qui fera peut-être boule de neige ( !) dans nos régions si dominées par d’envahissantes publicités.

Alors, qu’est-ce qu’une foire de centres d’artistes? Avant de répondre à une telle question, il nous faut s’interroger sur les choix des exposants réalisés par Andreas Ribbung et Pontus Raud, les deux formidables animateurs de l’espace Candyland www.glimp.se/candyland/ à Stockholm et organisateurs des Supermarket 07, 08 et du mini market qui a précédé ces deux événements. Le Supermarket est une réponse au Market des galeries commerciales de Stockholm dont il constitue une réponse « alternative ». Alternative qui, de façon surprenante, est extrêmement préoccupée par la notion de marché, beaucoup plus qu’aucun des centres d’artistes du Québec ou du Canada. Il faut savoir également que ces espaces qui se réclament du label de centres d’artistes présentent des différences notables. Ces espaces sont jeunes, mal financés et existent surtout pour montrer les travaux de leurs membres. La comparaison est donc difficile avec les centres québécois qui ont une tout autre façon de voir les choses. Alors, oublions les droits d’exposition, les comités de sélection et autres particularités locales. La place de ces espaces d’artistes dans la vie artistique suédoise nous semble fort discrète.

D’autre part, des rencontres avec des artistes nous ont permis de mieux connaître ces réalités dans un État-providence, ancêtre de tous les autres, dont le Québec et le Canada. En visitant des quartiers anciens de Stockholm, on découvre entre autres qu’en 1756, cette ville a créé une assurance incendie obligatoire pour parer aux feux qui dévastaient cette cité ! À cette même date, Québec et la côte de Beaupré étaient mises à sac par les conquérants … La social-démocratie a l’air de remonter au XVIIIe siècle. N’exagérons rien, elle a vraiment pris son essor au début du XXe siècle, mais elle n’a pas subi d’interruption notable et elle a autant de sens dans ce formidable pays que la Révolution tranquille pour le Québec depuis les années 1960. Même un gouvernement de droite, comme c’est le cas actuellement, ne peut se permettre de remettre en cause de façon brutale des acquis auxquels toute une population adhère, encore que les avis sont partagés là dessus, certains craignant la disparition progressive de l’État-providence suédois.

Qu’en est-il des artistes en Suède? Des subventions pour les ateliers qui finissent par être accordées à vie, pourvu qu’on fasse la preuve que ces artistes poursuivent leur carrière. Des bourses qui finiront également par durer toute la vie des artistes à partir d’une certaine répétition. IASPIS, cette fondation en charge d’une dizaine de studios d’artistes pour les artistes suédois ou étrangers et de quelques studios à l’étranger (New York, Tokyo, ) défraie les coûts des projets lors d’invitations par l’étranger et invite de façon régulière des commissaires étrangers à Stockholm, histoire qu’ils prennent connaissance des réalisations suédoises. Et les résultats sont là, à plus ou moins long terme, pour démontrer que les artistes suédois présentent leurs travaux à l’étranger. Ajoutons qu’à défaut de centres d’artistes « semblables aux nôtres », nous avons visité quelques superbes galeries privées montrant de très bons artistes suédois de Malmö notamment, qui nous fait nous demander quelle place occupe cette cité du sud de la Suède dans la vie artistique suédoise.

À suivre, puisque nous entendons visiter cette ville lors de notre passage à Copenhague dont elle est la Windsor de l’autre côté du détroit de l’Öresund…

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