@ Matthieu Sabourin

Charles Guilbert et Matthieu Sabourin, vernissage le jeudi 9 octobre à 17h30 à B-312

Pour arriver à évoquer cette émotion ténue qu’est la présence au monde, il faudrait que je parvienne à produire des images en apesanteur, plus légères que des pensées ; sans cela, on pensera que je dessine des angoisses, des blessures, l’enfermement.—Mais c’est à une tâche impossible que je m’attelle, puisque que la volatilité de la présence s’évanouit sous le poids de la plus légère des images et que, dans celles-ci, états d’être et états d’âme irrémédiablement se confondent.—Longtemps, je ne dessine que des silhouettes humaines, habité par l’étrange désir d’épuiser cette figure déjà épuisée. Avec de l’encre noire, sur du papier blanc, j’en expérimente les conditions d’apparition et de disparition. Au bout d’un moment, je comprends que cette figure peut s’allier au fond de trois principales manières : en se nouant, en se liquéfiant, en constellant. La forme des traits m’indique différents chemins de transformation.—Je comprends aussi que la présence au monde n’est possible que dans une certaine négativité, puisque indissociable de la présence du monde, d’un dehors qui cherche à se faire entendre.—Je rêve de tracés philosophiques complexes en m’étourdissant d’idées. « […] le monde est fait de l’étoffe même du corps. » (Merleau-Ponty) « Cela m’advient aussi : que je ne me trouve pas où je me cherche ; et me trouve plus par rencontre que par l’inquisition de mon jugement. » (Montaigne)—Je rêve de tracés poétiques simples en m’étourdissant de vers. « Nuit de quatre lunes/ et un seul arbre,/ avec une seule ombre/ et un seul oiseau. » (Garcia Lorca) « Entre la table et le vide/ il est une ligne qui est la table et le vide/ où peut à peine cheminer le poème. » (Juarroz)—Je griffonne dans le plaisir inouï de celui qui ne saura jamais s’il va au fond des choses ou s’il n’a rien à dire.
—CHARLES GUILBERT

Charles Guilbert crée des assemblages de fragments narratifs qu’il présente sous forme de textes, de vidéos, de chansons, de dessins ou d’installations. Il y explore l’étrangeté du quotidien, le pouvoir des mots et les rapports humains. Ses réalisations, souvent issues de collaborations, ont été présentées dans des festivals, galeries et musées en Europe, en Amérique latine et en Asie. Au Québec, il a notamment présenté des installations au Musée d’art contemporain de Montréal (1997), à la Manifestation d’art internationale de Québec (2005) et à La Triennale québécoise (2008). En 2004, il recevait, pour l’ensemble du travail vidéo réalisé avec Serge Murphy, le Prix Bell Canada octroyé par le Conseil des arts du Canada. Ses œuvres vidéographiques font partie de plusieurs collections muséales au Québec et au Canada. Charles Guilbert, dont la formation est avant tout littéraire, a également publié trois livres : Les Inquiets (1993), Le beau voyage éducatif (2004) et Les bûcherons de l’impossible (2010).
 

 

 

La Galerie B-312 présente dans sa petite salle Élémentaire de l’artiste Matthieu Sabourin, une exposition qui réunit quelques-unes de ses œuvres les plus récentes. Il propose ici des objets qui nous amènent à repenser et à questionner notre réalité immédiate.—Héritier du geste duchampien, l’artiste déplace, non sans ironie, les éléments de leur contexte d’origine et les détourne de leur fonction première. Mesurés, assemblés, noués, décomposés, reconstitués ou épurés – d’un geste rapide ou minutieux – les objets usuels a priori banals trouvent un sens nouveau.—Matthieu Sabourin est un curieux examinateur et manipulateur. Il observe l’utilité, la fonctionnalité, la plasticité ainsi que la composition des éléments qui nous entourent, comme pour mieux les déjouer et en explorer toutes les possibilités. Les sujets et leurs matériaux sont systématiquement soumis à une réduction formelle et conceptuelle.—L’artiste trouble nos catégories acquises en rompant avec l’harmonie des choses ordinaires pour nous amener à regarder autrement. Il joue avec notre perception en interrogeant des motifs universels. D’ailleurs, qui reconnaîtra du premier coup d’œil que les multiples récipients en verre de l’œuvre Ingrédients renferment les composants chimiques d’un corps humain ? Rappelant Body Count de l’artiste français Stéphane Arcas, cette œuvre décompose le corps en le réduisant à ses propriétés matérielles. Toutefois, Matthieu Sabourin pousse la réduction de celui-ci en le déployant méthodiquement sur une table comme s’il s’apprêtait à réaliser une recette de cuisine ou une expérience scientifique. Qu’elle soit mise en bocal ou réduite en cendres à l’intérieur d’une boîte crânienne, comme le montre une autre de ses réalisations, notre corporalité n’est que matière.—Cette exposition nous livre des objets d’une « inquiétante étrangeté » où, tel le concept freudien, l’artiste intervient à la frontière entre l’habituel et l’inhabituel afin de doter le familier d’une touche étrange et inconnue.—À chaque fois, Matthieu Sabourin veut créer la surprise et inviter le spectateur à déambuler, attentif et observateur, dans son laboratoire des temps modernes où chaque création renvoie à notre physicalité, notre réalité et notre finalité.—CHLOÉ DUCROQ

D’origine franco-ontarienne, Matthieu Sabourin vit et travaille à Montréal. Il est titulaire d’un double baccalauréat en arts visuels et en lettres françaises, tous deux de l’Université d’Ottawa. En 2011, il complète son cursus universitaire avec une maîtrise en sculpture à l’Université Concordia. Démarrant sa pratique artistique au commencement des années 2000, Matthieu Sabourin a depuis montré son travail dans plusieurs expositions individuelles et collectives à travers le Canada mais aussi en France et en Écosse. On peut notamment citer les expositions solo Unready (Xpace Cultural Centre, Toronto, 2012), Arythmétique (Centre d’exposition l’Imagier, Gatineau, 2013) et Present At Hand (aceartinc., Winnipeg, 2014); ainsi que les expositions de groupe TRAIT NOIR / ESPACE BLANC (Espace Projet, Montréal, 2012), Under New Management (ODD Gallery, Dawson City, 2013) et Excentricité 4 (Institut Supérieur des Beaux-Arts de Besançon, 2013).
 

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