Les théories du langage et la philosophie guident la pratique multidisciplinaire de Kartz Ucci. Invoquant un penchant assumé pour le romantisme, elle révèle que ses œuvres et leurs sujets sont souvent inspirés et (re)définis en fonction de la réponse émotionnelle que suscitent en elle différents espaces. S’intéressant tout particulièrement aux notions de reproductibilité et de réappropriation, elle s’emploie à réinterpréter textes, pièces musicales et films déjà existants, en adoptant diverses stratégies conceptuelles qui orientent à leur tour la forme et le message des œuvres produites.
La pièce «368 songs with the word sad in the title mixed into one song» a été réalisée en cumulant le nombre de chansons auxquelles le titre réfère explicitement: téléchargés à partir d’Internet en soumettant le mot-clé sad (triste) dans divers moteurs de recherche GNUtella1, les fichiers mp3 obtenus ont ensuite été combinés à l’aide d’un logiciel d’édition audio-numérique, composant ainsi une nouvelle trame sonore transférée sur vinyle. Ucci s’en remet au pouvoir évocateur des sens et y propose une expérience concrète du paradoxe constitutif de la quête du bonheur pris comme finalité de l’action humaine, cette contradiction philosophique fondamentale entre vouloir le bonheur mais ignorer ce qu’il est et les moyens d’y parvenir.
L’installation présentée en galerie comprend deux dispositifs qui s’articulent à l’œuvre sonore: un imposant panneau recouvert d’une couche de plomb – surface monochrome investissant l’espace et améliorant l’acoustique –, ainsi qu’une murale répertoriant les titres des chansons entendues, disposés en spirale iridescente. Ce symbole naturel récurrent (rappel formel du microsillon et de la platine tourne-disques) peut évoquer tant l’infini et l’ordre cosmogonique que le vertige et la confusion, voire tout mouvement d’expansion – spirale créatrice ou dextrogyre, dirigée dans le sens horaire selon la mythologie grecque – ou de contraction – inversement orientée, dite destructrice ou lévogyre. Ici, une force centrifuge invisible dissipe l’obstruction visuelle, renvoyant à la cacophonie qui s’estompe progressivement… Faisant écho à cette (sur)sollicitation sensorielle qui fait graduellement place à une harmonie dépouillée, le bonheur serait une simple visée, un tout plutôt qu’une somme2.
Geneviève Bédard
Faisant suite à de brefs engagements aux universités York, McMaster et Ryerson, Kartz Ucci enseigne à l’Université d’Oregon depuis 2004. Originaire d’Ontario, son œuvre a amplement circulé en Amérique, en Europe et en Asie.
1 Protocole informatique décentralisé permettant la recherche et l’échange de données entre ses utilisateurs
2 Paul Ricoeur
Horaire mardi au samedi 12h-17h
Les théories du langage et la philosophie guident la pratique multidisciplinaire de Kartz Ucci. Invoquant un penchant assumé pour le romantisme, elle révèle que ses œuvres et leurs sujets sont souvent inspirés et (re)définis en fonction de la réponse émotionnelle que suscitent en elle différents espaces. S’intéressant tout particulièrement aux notions de reproductibilité et de réappropriation, elle s’emploie à réinterpréter textes, pièces musicales et films déjà existants, en adoptant diverses stratégies conceptuelles qui orientent à leur tour la forme et le message des œuvres produites.
La pièce «368 songs with the word sad in the title mixed into one song» a été réalisée en cumulant le nombre de chansons auxquelles le titre réfère explicitement: téléchargés à partir d’Internet en soumettant le mot-clé sad (triste) dans divers moteurs de recherche GNUtella1, les fichiers mp3 obtenus ont ensuite été combinés à l’aide d’un logiciel d’édition audio-numérique, composant ainsi une nouvelle trame sonore transférée sur vinyle. Ucci s’en remet au pouvoir évocateur des sens et y propose une expérience concrète du paradoxe constitutif de la quête du bonheur pris comme finalité de l’action humaine, cette contradiction philosophique fondamentale entre vouloir le bonheur mais ignorer ce qu’il est et les moyens d’y parvenir.
L’installation présentée en galerie comprend deux dispositifs qui s’articulent à l’œuvre sonore: un imposant panneau recouvert d’une couche de plomb – surface monochrome investissant l’espace et améliorant l’acoustique –, ainsi qu’une murale répertoriant les titres des chansons entendues, disposés en spirale iridescente. Ce symbole naturel récurrent (rappel formel du microsillon et de la platine tourne-disques) peut évoquer tant l’infini et l’ordre cosmogonique que le vertige et la confusion, voire tout mouvement d’expansion – spirale créatrice ou dextrogyre, dirigée dans le sens horaire selon la mythologie grecque – ou de contraction – inversement orientée, dite destructrice ou lévogyre. Ici, une force centrifuge invisible dissipe l’obstruction visuelle, renvoyant à la cacophonie qui s’estompe progressivement… Faisant écho à cette (sur)sollicitation sensorielle qui fait graduellement place à une harmonie dépouillée, le bonheur serait une simple visée, un tout plutôt qu’une somme2.
Geneviève Bédard
Faisant suite à de brefs engagements aux universités York, McMaster et Ryerson, Kartz Ucci enseigne à l’Université d’Oregon depuis 2004. Originaire d’Ontario, son œuvre a amplement circulé en Amérique, en Europe et en Asie.
1 Protocole informatique décentralisé permettant la recherche et l’échange de données entre ses utilisateurs
2 Paul Ricoeur
Horaire mardi au samedi 12h-17h
Montréal (Québec) H2T 3B2